jeudi 30 janvier 2014

Un ennemi du peuple de Henrik Ibsen

Ibsen a tout au long de son oeuvre pris parti pour les individus qui ne se conforment pas à la norme. Le personnage central est ici Thomas Stockman, médecin d'un établissement de cure thermale d'une petite ville de Norvège. Il découvre que les eaux administrées aux curistes sont polluées et vont avoir sur leur santé des effets désastreux. Il propose aussitôt à ceux qui exercent un mandat public et au premier chef à son frère, qui se trouve à la direction du lieu incriminé des travaux d'assainissement. Mais si les bains ferment ceux qui y travaillent n'auront plus d'emploi. La station est également une source de gain pour le reste de la population locale. Esprit intransigeant, déterminé à ne pas distordre la réalité comme le conseille  son frère et autres briscards de la politique, Stockman reste sur ses positions.

Il ne va tarder à devenir l'ennemi à combattre et sera même la cible d'agressions. Bien que lâché par ceux dont il croyait pouvoir guigner de l'aide, cet homme inapte à toute forme de bassesses ne cède pas. C'est ici que  Thomas Ostermeier, metteur en scène allemand d'une puissance indéniable, se montre un adepte convaincu de Bertold Brecht. Il fait intervenir les spectateurs qui soit prennent fait et cause pour celui qui se refuse à faire des compromis soit abondent dans le même sens que ses adversaires. On assiste là à des discussions qui en disent long sur le monde d'aujourd'hui.

Le public  est de bout en bout tenu en alerte.  D'autant que le spectacle démarre en fanfare avec les interprêtes qui chantant des airs de rock donnent le sentiment que les lendemain ne sont pas prêts de déchanter....

Jusqu'au 2 février Théâtre de la Ville tel O1 42 74 22 77

mardi 28 janvier 2014

Les aveugles de Maurice Maetelinck

Avec Daniel Jeanneteau, scénographe d'un talent sidérant tenté depuis quelques années par la mise  en scène, le théâtre sort de ses limites. Les spectateurs débouchent dans un lieu envahi par le brouillard et se perdent dans un dédale de chaises. Ils ne tardent pas à se rendre compte qu'ils se trouvent  parmi un groupe d'aveugles partis en balade avec un vieux curé qui semble s'être volatilisé. Ces promeneurs n'en mènent pas large. Ces non voyants (pour employer une formule aujourd'hui ridiculement en vogue) qui tentent sans succès de retrouver  le chemin de leur foyer,  font-ils autre chose que de chercher leur salut? Grand investigateur de l'invisible, Maeterlinck a écrit avec Les aveugles une fable sur  les humains perdus dans le cosmos. Et donc à jamais inapaisés.

Si l'on admire l'agencement du spectacle, force nous est aussi de remarquer que la distribution est quelque peu claudiquante. Elle est composée de quatre acteurs professionnels et de huit comédiens amateurs . Si Jean -Louis Couloch (qui a collaboré à la mise en oeuvre)  se montre, comme  il le fit notamment dans les créations du Radeau de François Tanguy et dans le film de  Pascale Ferran, Lady Chaterley, foudroyant d'inquiétante douceur et si Benoît Résillot apparaît d'une éblouissante  précision on ne peut pas dire que les autres interprètes semblent avoir, comme eux, la révélation du gouffre.

Il n'en reste pas moins que Daniel Jeanneteau ouvre une voie  qui rappelle avec autant de conviction que Claude Régy, avec lequel il a des années durant collaboré, que nous ne sommes guère que des funambules en équilibre précaire sur leur fil.

Jusqu'au 3 février Studio- Théâtre de Vitry tel 01 46 81 75 50
DU 8 au 16 février CentQuatre Paris tel 01 53 35 50 00
Les 14 et 15 mars La Scéne Watteau Nogent-sur -Marne tel 01 48 72 94 94
Les 11 et 12 avril Théâtre Jean- Vilar de Vitry -sur-Seine tel 01 55 5310 60

dimanche 26 janvier 2014

La mort d'un commis voyageur d'Arthur Miller

Arthur Miller (1915-2005) écrivit cette oeuvre d'inspiration à l'évidence autobiographique à une époque (1949) où le mythe d'une Amérique où chacun pouvait s'en sortir  était mis à mal. Le voyageur de commerce, Willy Lohman qui , la silhouette en déroute, rentre dans son foyer new-yorkais après avoir sillonné, sans grand résultats, l'Est du pays n'est pas franchement un exemple de réussite. Les conseils patients de Linda, sa femme, ne l'apaisent pas le moins du monde. Et l'annonce du  retour inopiné de son fils, Biff, pour lequel il fomentait des projets chimériques accentue son malaise. Il ne peut s'empêcher, dès l'instant où il réapparaît de lui adresser des reproches. Ce qu'il ne fait pas avec Happy, son second fils, sur lequel il ne fondait aucun espoir.

On apprend petit à petit que le passé est demeuré pour le père et son aîné un plaie ouverte. A maintes reprises l'auteur met le cap sur les années de jeunesse des fils. Lesquels vivaient dans une bulle protectrice dont les entouraient leur paternel. Dont à présent ils n'arrivent, pas plus que leur mère, à enrayer la chute . On pourrait même dire qu'inconsciemment ils la précipitent. Willy Lohman n'habite plus le présent. Il n' a de cesse de remâcher ses rêves d'autrefois et refuse d'entendre qu'ils sont sans lien avec la réalité présente.

Claudia Stavisky, dont la mise en scène démontre que cette pièce qu'on aurait pu croire datée alors qu'elle cristallise avec brio les angoisses de son temps (et faut-il l'ajouter du nôtre?), s'est entourée de comédiens - François Marthouret, Hélène Alexandridis, Alexandre Zambeaux et  Jules Sagot - qui injectent à la représentation une violente émotion et donnent l'illusion d'être mus par une étrange empathie avec leurs personnages
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Du 27 au 29 janvier Theâtre du Vellein Villefontaine
Du 5 au 8 février Théâtre des Treize vents  Montpellier
Du Du 12 au 14 février Nouveau Théâtre d'Angers
Du 19 au 21 février  La Coursive La Rochelle
Du 12 au 15 mars Théâtre National de Nice
Les 20 et 21 mars L'Espace des Arts Chalon -sur- Saône
Les 27 et 28 mars Théâtre André Malraux  Rueil Malmaison
Les 17 et 18 mai Grand Théâtre d'Albi

mercredi 15 janvier 2014

Henry VI de William Shakespeare

Le premier épisode de cette oeuvre du productif Shakespeare aurait été écrite à plusieurs mains. Dans la mise en scène du jeune et surdoué Thomas Jolly la farce constamment tutoie l'épique. La fougue sanglante de l'âge élisabéthain  est bien présente mais allégée par une foule de  gags. Ainsi Jeanne la pucelle a t-elle le crâne surmonté  d'une perruque bleue. Lorsqu'elle tombe aux mains des anglais, elle prétend  être enceinte et  désigne successivement pour père du fruit de ses incartades des personnages illustres....
Le spectacle démarre avec l'enterrement d'Henri V alors que son fils n'est âgé que de quelques mois. Les pairs du royaume mettent cette situation à profit pour tenter de s'emparer du pouvoir. Les voir s'empailler est pur plaisir. Quelques années plus tard le souverain s'efforcera de calmer le jeu. Il a, il est vrai, d'autres chats à fouetter puisque débute et la guerre de cent ans et celle des deux roses.
La servilité à l'égard des maîtres du jour est de mise depuis la nuit des temps. On ne s'étonnera donc pas de voir   ces messieurs macérer dans leur haine, changer de camps,  trahir celui qu'on suppose le plus vulnérable. On retrouve là la connaissance des arcanes du pouvoir dont  Shakespeare est le maître absolu.
Les lumières signées Thomas Jolly et Léry Chedemal  ajoutent  au plaisir que l'on prend à la vue de cette fresque foisonnante qui, c'est certain, fera date. Ses deux premières parties tournent depuis deux ans, avec un succès jamais démenti, dans diverses régions du pays. L'intégrale de la pièce pourra être découverte au festival d'Avignon.
Jusqu'au mercredi 22 janvier Les deux épisodes peuvent être vus en alternance. Intégrale dimanche 15h Les Gémeaux 92330 Sceaux. Tel 01 46 61 36 67

dimanche 12 janvier 2014

Platonov d'Anton Tchekhov

Le monologue éperdu de Platonov par lequel débute le spectacle en dit long sur cet homme de moins de 30 ans qui ne pouvait souffrir son père "une canaille finie" et aura toujours le sentiment d'être fait de la même pâte. Les hommes de la pièce ont d'ailleurs en partage d'avoir un père qu'ouvertement ils méprisent. Lorsque Claire Lasnes mis, il y a quelques années, en scène cette pièce écrite à 2O ans par Tchkhov, elle lui donna pour titre "Etre sans père", entendez  sans repère.

Dès qu'il surgit avec sa jeune et sage épouse dans le jardin d'une famille amie, Platonov fait montre de son art d'envenimer les situations. Ce qui n'empêche les femmes présentes de se sentir irrésistiblement attirées par lui, autant par son visible mal être que par sa féroce clairvoyance. Et Platonov de se retrouver au centre d'invraisemblables imbroglios. Ce qui séduit dans la première partie de la représentation et qui explique sans doute pourquoi le spectacle rencontra à sa création,  la saison dernière  à Vanves,  un si vif succès est que Benjamin Porée, le maître d'oeuvre, a su restitué un climat  de décomposition qui a, avec celui que nous subissons aujourd'hui, d'évidentes résonances. Quelle merveille que la fête funèbre  qui apparaît comme un moment où les passions et les conflits s'apaisent. Mais il apparaît bien vite que - comme dans tous les écrits de cet auteur - personne n'échappe aux impasses de la nostalgie. Bien que les comédiens aient, cette fois, ce qui n'est pas coutume, l'âge des personnages qu'ils incarnent ils ont déjà le sentiment de mener une vie rétrécie.

Le deuxième partie est clairement moins réussie. Les coups de théâtre mélodramatiques y abondent. Le metteur en scène a tenu a monter la pièce dans son intégralité. Ce qui était visiblement une erreur. Si certaines scénes étaient, du moins dans les versions françaises, jamais jouées c'est qu'elles alourdissent le propos. Et l'exécution de ce fait patine. Ce qui est d'autant plus navrant que les lumières de Marie - Christine Soma sont d'une authentique artiste et que les phrases vives et claires de l'adaptation réalisée par Françoise Morvan et André Markowicz nous resteront longtemps en mémoire. (éditions Les Solitaires Intempestifs)

Jusqu'au 1er février Odéon - Ateliers Berthier tel 01 44 85 40 40

samedi 4 janvier 2014

Une vie de rêves Concert Théâtral

Ce spectacle imaginé et mis en scène par Bruno Boulzaguet et Jean-Christophe Felhandler s'inspire avec une réjouissante liberté de pensée de l'autobiographie de Carl Gustav Jung : "Ma vie". Explorateur  infatigable des couches de son être, il a recueilli tout au long de ses quatre-vingt trois ans des bribes de rêves. Lesquels  le mènent parfois  au milieu d'une forêt où il découvre un étang  au milieu duquel croupit un animal tentaculaire. D'autre  fois le rêveur se trouve dans une maison inconnue dont il n' a jamais visité le rez de chaussée. Il y découvre des vestiges de civilisations préhistoriques. Ses songes, semblent, comme on le voit, tous, surgis d'une glaise ancestrale.

Si les écrits de Jung ne sont pas dénués d'un copieux symbolisme, la représentation apparaît, elle on ne peut plus facétieuse. Les deux comédiens, le truculent John Arnold et Bruno Boulzaguet  sont tout du long accompagnés par la contrebassiste Anne Gourand (dont la voix est un enchantement) et le percussionniste Jean-Christophe  Feldhandler. L'équilibre entre les paroles et l'écriture musicale est si parfait et inattendu qu'on sort de la représentation les yeux écarquillés.Avec le sentiment, que n'aurait pas désapprouvé Jung, d'avoir accompli un voyage interstellaire.

Jusqu'au 13 janvier Théâtre de l'Atalante tel 01 46 06 11 90