jeudi 30 avril 2009

Talking heads d'Alan Bennett

Auteur anglais discrètement majeur, Alan Bennet (né en 1934) dépeint avec un humour on ne peut plus british l'attristant quotidien de trois femmes. L'une est une consciencieuse employée de bureau dont la vie va basculer lors d'une visite médicale, la seconde, une femme au foyer devenue  dans sa sinistre banlieue témoin privilégié d'un crime dont l'auteur, une voisine, devient pour elle - dont l'affabilité distante l'a toujours privé d'un entourage chaleureux - une amie à qui elle rend tous les jours  visite dans  la prison où elle est détenue. 
La troisième, vendeuse dans un magasin, est obligée de s'occuper de son frère victime d'une commotion cérébrale; Sa rencontre avec un pédologue dont elle devient une cliente assidue provoque en elle une sorte de choc thermique et lui révèle des fantasmes - les siens comme ceux du spécialiste des pieds maltraités par des  godasses -  dont elle ignorait tout. Sa relation des événements est d'une drôlerie décapante.  
Alors que les destins que l'auteur dessine sont tous accablants, on est fréquemment pris de quintes de rire. C'est que Laurent Pelly, dont on appréciait jusqu'à présent surtout le théâtre chanté et les opéras, accorde une confiance absolue à ses comédiennes. Sous sa direction avisée Christine Brücher, Nathalie Krebs et Charlotte Clamens  incarnent idéalement ces femmes vouées à la solitude.  Comme de plus la scénographie regorge de surprenantes  trouvailles et que le sens du trait dont fait preuve dans son adaptation  Jean-Marie Besset est particulièrement délectable, ce spectacle est fait pour plaire à un large public. 
Jusqu'au 30 mai Théâtre du Rond Point Les textes sont édités aux Editions Actes Sud-Papiers 

dimanche 26 avril 2009

Identité de Gérard Watkins

A ses débuts dans la mise en scène l'acteur Gérard Watkins écrivait avec le zèle des nouveaux venus d'amples fresques dans lesquels abondaient des instants de débordements verbaux. Il a aujourd'hui changé du tout au tout puisque "Identité", sa dernière création n'est jouée que par deux acteur, il est vrai de premier rang : Fabien Orcier et Anne-Lise Heimburger qui étaient déjà de ses précédents spectacles. Comme le firent il y a quelques années les cinéastes Lars Von Trier et Thomas Vinterberg en inventant le dogme, Gérard Watkins s'est imposé de rigoureuses contraintes. Unité de lieu. Pas d'entrée ni de sorties des personnage. Pas non plus d'éléments de décor si ce n'est une moquette à poils longs. Une seule source de lumière. Pas de noirs entre les scènes. 
Digne fils de son père le réalisateur anglais Peter Watkins (à qui l'on doit notamment La bombe, Punishment park et Edward Munch, la danse de la vie), l'écrivain-metteur en scène est bien décidé à en découdre avec la marche inacceptable du monde. Ses deux personnages, Marion et André Klein, sont des déclassés. Elle a décidé de faire la grève de la faim, tandis que lui s'accroche à une chimère. Ayant découvert sur une bouteille de pinard qu'ils peuvent empocher de l'argent en répondant à une question, il ne songe qu'à tenter sa chance. . Etant chacun, par ailleurs, d'une impérieuse lucidité ils dissèquent en s'empoignant régulièrement les temps intenables qu'on vit. 
Indigné par l'amendement Mariani qui rend légales les recherches sur l'ADN imposées à certains étrangers, Gérard Watkins rappelle par l'intermédiaire de Marion les lois raciales édictées en 1940 sous Pétain. Etaient considérés comme juifs ceux qui avaient trois grands parents qui l'étaient où seulement deux grands parents si leur conjoint appartenait à la "race" honnie. Difficile de ne pas mettre faire le lien entre ces lois et certaines maladies qui sautent une génération. 
Réalisé avec une économie ascétique ce gros plans d'un couple représentatif de notre époque tantôt fait rire, tantôt noue les tripes tant sa mise en scène tient fermement le cap.
Jusqu'au 5 mai A la Comète 347, 45, rue du Faubourg du temple Paris (endroit d'un charme fou voué dans peu de temps à la destruction.) Le texte "Identité" est paru à la nouvelle maison d'édition Voix navigable 7 E

mercredi 22 avril 2009

La dame de chez Maxim de Feydeau

Voilà des années que les spectacles de Jean-François Sivadier sont produits ou coproduits par le théâtre national de Bretagne que dirige François Le Pillouër lequel lui laisse toute latitude pour choisir les oeuvres qu'il désire monter. Il ne pouvait qu'être attiré par l'absurdité désopilante du théâtre de Feydeau. Parmi les nombreuses pièces qu'il a laissées la plus délirante étant La dame de chez Maxim, il s'est évidement rué dessus.
Le docteur Petypon ramène chez lui après une nuit de beuverie une belle de nuit surnommée la Môme Crevette. A son réveil il a la stupéfaction de la trouver chez lui. L'affaire se corse quand surgit un tonton à héritage venu d'Afrique afin de marier sa filleule. Le pétulant sexagénaire prend la Môme, qu'il trouve visiblement à son goût, pour l'épouse de son neveu. Celui-ci le laisse dans l'erreur. Suivront d'innombrables quiproquos auxquelles seront mêlées la véritable madame Petytpont, une bigotte ,qui croit dur comme fer aux apparitions surnaturelles, et Mongicourt, un ami du couple que le peu courageux docteur fait passer aux yeux de son vieux parent pour le mari de sa femme.
 Si les personnages sont plutôt pathétiques, les situations sont, elles carrément bidonnantes. Comme dans Occupe toi d'Amélie c'est l'arrivée inopinée d'un oncle qui interprète mal les événements qui se déroulent sous ses yeux qui met la société d'hypocrites a laquelle il rend visite au bord de la déflagration. Le seul personnage qui a la tête sur les épaules est la Môme Crevettes qui fait croire à ces dames de la meilleure société provinciale que ses tics langagiers et ses manières de filles faciles sont du dernier chic parisien. Quel bonheur que de la voir chanter sous l'oeil ravi d'une assistance on ne peut plus bégueule  une complainte salace (composée par Colette Renard...) 
C'est pur délice que de voir des jeux si bien accordé que ceux de NorahKrief (la Môme), Nicolas Bouchaud (qui compose un monsieur Petypont au jeu très physique), Nadia Vonderheyden (une madame Petypont que beaucoup s'accordent à trouver mûre pour la cabanon) et Stephen Butel (l'ami traité par dessus la jambe). Tous ses acteurs sont, il est vrai, de vieux complices de Jean-François Sivadier qui, question atmosphère surchauffée, en connaît un rayon. 
Jusqu'au 30 avril Théâtre National de Bretagne-Rennes     
Du 20 mai au 25 juin Théâtre de l'Odéon    

mardi 21 avril 2009

Toâ de Sacha Guitry

Lorsqu'il écrit Toâ en 1949, nouvelle mouture de Florence qu'il monta dix ans plus tôt, Sacha Guitry a perdu de sa superbe. Il n'est plus le séducteur infatigable et prolixe de ses pièces d'avant-guerre. Bien qu'il n'ait jamais été en délicatesse avec l'occupant et qu'il il continua durant toute la guerre à mettre en scène pièces et films, personne n'apporta jamais la preuve qu'il collabora. Ce qui n'empêche pas qu'a la suite de dénonciations, il fit deux mois de prison à la Libération.  Aujourd'hui il connaît la solitude du créateur et, comme il l'a fait, tout au long de sa longue carrière, il transpose sa vie privée dans ses pièces et fait preuve en matière d'états d'âme de plus de sincérité. 
Alors qu'il se laisse aller à des propos pétillant d'esprit dans un salon calqué sur celui de son propre hôtel particulier une femme assise dans la salle le prend à partie. On apprend bientôt qu'il s'agit d'une de ses anciennes conquêtes avec laquelle il a arrêté tout commerce. Le voilà bien penaud. Son ex amie montera heureusement sur la plateau et  fera la paix avec celui qui fut son amant
C'est  merveille que de voir un jeune metteur en scène s'emparer d'une pièce d'un homme qu'on considérait comme un paraguon de futilité, pire : comme un champion du bon mot. Thomas Joly, qui monta la saison dernière avec les mêmes partenaires Arlequin poli par l'amour, de Marivaux  ne se contente pas de mettre en scène la pièce, sans doute l'une des meilleures des 155 écrites par son auteur, comme le faisait habituellement  le maître et mais s'attribue aussi comme  il en avait coutume  le rôle principal. Mais alors que Guitry parlait d'une voix posée et bien articulée comme il était de mise à son époque (voix que l'on entend à la fin de la représentation qui se termine par un monologue de Debureau, une autre de ses pièces les plus prestigieuses), Thomas Jolly, comme ses acolytes ont adopté le jeu vif en vigueur de nos jours. Toâ non seulement n'y perd rien mais apparaît, du coup, d'une modernité résolue.  
On ne peut que se réjouir de constater qu'Olivier Py a retenu ce spectacle parmi ceux qu'il présente sous peu dans son festival de jeunes metteurs en scène.
Bayeux Le 24 avril
Paris Théâtre de l'Odéon les 5 et 6 mai    
 

vendredi 17 avril 2009

Pur de Lars Norén

L'auteur dramatique suédois Lars Norén connaît une notoriété en irrésistible ascension. Il explore deux veines, la peinture d'une humanité dont la misère psychique et matérielle est de moins en moins marginale et celles de couples à la dérive où il apparaît fait du même bois que Strindberg et, plus prés de nous, qu'Ingmar Bergman. Pur, qu'il met lui-même en scène et où il se fait le spéléologues de nos abîmes intimes appartient à cette dernière catégorie. 
Dans l'espace confiné d'un appartement deux couples aux destins froissés se croisent. L'un quitte les lieux où il vécut de nombreuses années, l'autre y emménage. Très vite les temps se confondent. Peut être s'agit-il des mêmes personnes à une vingtaines d'années de distance. Ce qui est sûr est que tous deux ont perdu un fils et que cet intolérable passé les tire par la manche. Si les hommes parviennent à ne manifester que fugitivement  que  cette épreuve les a fait dépérir, les deux femmes ne cachent pas leur instabilité mentale.  Lorsque celle qui se sent aux abords de la vieillesse, tente de dire à la plus jeune que le temps viendra où la lumière réapparaîtra, celle-ci lui rétorque qu'elle n'a aucun désir d'aller mieux. 
Lars Norén atteint ici la plénitude de son originalité tant sur le plan de l'écriture que de la mise en scène  alors que celle de "A la mémoire d'Anna Politkovska" à laquelle il s'attella il y a quelque mois n'était guère convaincante. Comme pétrifiés les comédiens balancent un texte d'une densité intimidante. Il faut dire que l'interprétation mérite un coup de chapeau collectif. Catherine Sauval (trop rarement distribuée), Christian Cloarec, Alexandre Pavloff et Françoise Gillard acceptent notre finitude avec autant de douloureuse élégance que les créatures imaginées par Bergman. 
La dernière image réalisée en vidéo (qui pour une fois n'apparaît pas comme un gadget) est d'une puissance si tétanisante que plutôt que d'applaudir ce spectacle qui porte  haut l'exigence artistique on a envie de s'éclipser sur la pointe des pieds.
Jusqu'au 17 mai Théâtre du Vieux-Colombier   
       

mercredi 15 avril 2009

L'antichambre de Jean-Claude Brisville

Jean-Claude Brisville est un auteur dramatique qui a la particularité de ne faire aucune concession à l'air du temps. Dans chacune de ses pièces il utilise un vocabulaire dont se serait servi les personnages fameux dont il raconte les antagonismes et dont il décrit les visions opposées qu'ils avaient de la cité. Quitte, comme ici, où il dépeint les opinions de plus en plus divergentes qui opposèrent la marquise du Deffand et sa protégée et lectrice Julie de Lespinasse. à parsemer leurs échanges de tournures qui apparaissent aujourd'hui un brin précieuses. 
Sur le point de perdre la vue, la marquise a fait venir à ses côtés la fille naturelle de son frère. D'idylliques les relations entre les deux femmes que séparent une génération deviennent de jour en jour plus tendues. C'est que l'aînée tient salon et que le cercle de fervents qui le fréquentent , parmi lesquels Turgot et D'Allembert, tombent sous le charme de l'accorte jeune fille qui partagent leurs sentiments d'injustice et leur  désir de voir l'avènement d'une société plus égalitaire. La marquise habituée à être adulée pour le brillant et la causticité de son esprit supporte mal les tendres attentions dont sa nièce est devenue  l'objet.  Se sentant délaissée par ceux qu'elle appelait ses amis,  elle ne tarde pas à donner libre cours à sa jalousie. 
Les passes d'armes entre les deux femmes deviennent bientôt meurtrières.  L'une se prétendant de plus en plus avide de bienséance sociale, tandis que l'autre se révèle partisane inconditionnelle des encyclopédistes. Sans compter que Julie Lespinasse reproche à sa parente de ne lui avoir jamais manifesté d'affection. Madame du Deffand est, elle ne s'en cache pas, une teigne. Mais les dernières phrases  qu'elles échangent prouvent que, étant allée à bonne école, la plus jeune en deviendra une elle-aussi. 
Le metteur en scène à concentré son attention sur ses interprètes. Si  Sarah Biasini et Jean-Claude Bouillon jouent  remarquablement leur partition, Daniele Lebrun est, elle, de la classe des plus grands. Sa seule présence justifie qu'on se précipite dans cette Antichambre. 
Oeuvre. Le texte de la pièce est paru dans l'Avant- Scène 12 E 

dimanche 12 avril 2009

Lettres de Bernard-Marie Koltès

Voilà vingt ans que Bernard-Marie Koltès, auteur dramatique d'une grâce rimbaldienne, s'est effacé du paysage. Dans le vaste massif épistolaire aujourd'hui publié,  il relate à ses proches ses expéditions  dans des contrées aussi lointaines que le Nigéria, le Mexique, le Guatemala et le New-, York des années 70 et 80 qu'il chérissait, ses difficultés pécuniaires et le regard qu'il porte enfant, puis adolescent et enfin jeune homme dégagé des idées toutes faites sur l'univers qui l'environne. Ses divulgations intimes, il les réserve en priorité à sa mère, non en la rendant complice de ses frasques, comme c'est souvent le cas chez des hommes attirés par des individus de leur sexe, mais en tentant de lui faire comprendre les pulsions qui l'habitent. A la mort de son père, il lui envoie une lettre dont la clairvoyance tendre  nous rend tout penaud au souvenir de la difficulté que, tous, nous éprouvons à faire part de nos sentiments à une personne anéantie par la perte d'un être cher. 
Ces lettres sont adressées pour la presque totalité à des amies et à son frère François avec lesquels il pouvait, comme il  il l'écrivit, dissiper les ombres de son coeur. Ce qui ne l'empêchait pas de fréquemment donner libre cours à son humour par exemple quand il décrit la mère  "à la tendresse brûlante et au tonnage renversant" d'un des ses amants mexicains. 
Ce n'est que dans les dernières années de sa vie qu'il noua des relation d'amitié avec des hommes, comme Michel Guy, Claude Stratz et François Regnault qui partageaient sa passion du théâtre et parfois celle des films de série B.  Le récit de ses nuits désordonnées il ne les évoqua, et avec pudeur, qu' à ses copines de toujours.
A l'âge de vingt ans il fit le choix sur lequel il ne revint jamais d'écrire pour le théâtre (plus tard il s'essaya également mais là sans persévérer à devenir cinéaste) Le résultat est qu'il mangea de la vache enragée, même quand grâce à Bruno Boeglin et surtout à Patrice Chereau il  devint célèbre.  Mais celui qui dès le début l'accompagna de ses encouragements fut Hubert Gignoux qui fut pour lui une sorte de père spirituel. 
Les seules lettres où il sortit de ses gongs sont celles qu'il adressa à son agent pour l'étranger et plus particulièrement  à la directrice du Thalia théâtre à Hambourg où la mise en scène de l'une de ses pièces dénaturait son propos. 
Personnage solitaire qui comprenait si parfaitement que, comme le disait l'écrivain suédois Stig Dagerman, "notre besoin de consolation est impossible à rassasier", 
Bernard -Marie Koltès a laissé une place qui reste jusqu'à aujourd'hui vacante. Il ne faut à aucun prix se priver de lire cette correspondance dans laquelle l'auteur trouve les mots justes pour dire son attachement à ceux qui ont donné de la saveur à sa vie et arrive, comme il le reconnaît, à racler sa vérité. 
Les Editions de Minuit 19 E

samedi 11 avril 2009

Les salades à Malek de et par Lounes Tazaïrt

Imparable amuseur, Lounes Tazaïrt est de la trempe si justement appréciée d'un  Fellag. Capable d'observations suraiguës, il dresse les portrait d'une série de personnages hauts en couleur tous d'origine maghrébinne. Se succèdent un chibani (vieil homme) dont la façon d'écorcher les mots est un régal (William Shakespeare devient dans sa bouche William j'expire tandis que l'audiovisuel se transforme en idiovisuel...), une vieille fatma qui écoute les doléances d'une cousine persuadée que son petit-fils est homosexuel lui dit, histoire de la calmer, que ce dernier est moitié bicot, moitié biquette.  
L'acteur accumule les transformations, se déguise en fille à nattes zézayante qui après être tombée raide dingue d'un africain à la recherche d'une fille avec laquelle il puisse contacter un mariage blanc afin d'obtenir des papiers, veut épouser un asiatique tout en sachant pertinemment que sa famille s'opposera à ce mariage si peu conforme aux traditions.  On le retrouve dans un sketch suivant en rocker à la ramasse convaincu que la disparition du King a été fatale à son art et qui se retrouve aujourd'hui dans la peau de ce qu'il appelle "un rocker itinérant".  Cerise sur le loukoum, pour parler à sa façon , son interprétation d'un junky qui tient  sur notre société qui enfermerait volontiers tous ceux qui ne marchent pas droit derrière les hauts murs, des paroles d'une fabuleuse acuité.  
Animé d'une ardeur qui n'est pas monnaie courante, Lounès Tazaïrt réussit le prodige de réaliser un spectacle bidonnant, crépitant d'inventions et d'une salubre clairvoyance politique. Dommage que les producteurs  ne s'y précipitent pas. Il pourrait faire un tabac. 
Tous les vendredi 21h Théâtre Darius Milhaud            

dimanche 5 avril 2009

Les soliloques de Mariette d'après Albert Cohen

Vieux loup des lettres, Albert Cohen écrivit avec Belle du seigneur son oeuvre la plus fameuse. Anne Quesemand et son interprète Anne Danais ont eu l'astucieuse idée de monter un spectacle à partir des quatre chapitres consacrés à Mariette (augmentés de quelques dialogues qu'elle échange avec sa "patronne"), la nounou d'Ariane demeurée à son service alors qu'elle est  déjà adulte. Mariette qui n'est pas sans faire songer à la Félicité d'Un coeur simple de Flaubert éprouve  pour Ariane une tendresse qui irradie à chaque phrase.  Elle déplore -et en même temps se félicite - qu'elle se soit mariée avec un homme qu'elle juge indigne d'elle.
Respectant les déformations de mots utilisées à son endroit par l'écrivain et usant d'un accent qui, dit-elle était celui de ses grands parents et qu'elle retrouve chez quelques vieux amis qu'elle a en Charente où elle vit et tient une sorte de café -théâtre, Anne Danais interprète avec une savoureuse finesse cette femme au franc parler. Son monologue, elle l'égrène de chansons populaires ou oubliées des années trente. 
L'amusement que suscite ses propos désordonnés sur les membres de sa famille, sur les maux qui l'accablent ou sur les autres personnes au service de sa tant aimée Ariane va décroître lorsque celle-ci rencontre le grand amour de sa vie. Se sentant mise sur la touche par celle dont elle se considérait comme une seconde mère et qui lui rendait bien son affection, la pauvre Mariette, comme elle s'appelle elle-même, commence à maugréer. Puis trouvant le climat de la maison où s'est installé le nouveau couple de plus en plus asphyxiant,  finira par faire ses bagages. C'est plaisir que de voir une si truculente comédienne défendre un texte aussi drôle et poignant.
Jusqu'au 19 avril Du mercredi au samedi Théâtre de la Vieille Grille Ensuite à Avignon durant toute la durée du festival    

mercredi 1 avril 2009

La grande magie d'Eduardo De Filippo

Eduardo De Filippo (1900 - 1984 ) emprunte le chemin frayé jadis par Goldoni. Il appartient, en effet, à une tradition populaire où des personnages truculents mènent la danse. Mais De Filippo, du moins dans la dernière partie de son oeuvre, quitte fréquemment la farce de ses débuts pour tendre au tragique. Il est, de plus, en osmose avec la ville de Naples. 
Cette pièce qui fut reçue avec tiédeur à sa création en 1948 mais que Giogio Strehler monta avec succès au Picolo Téâtro de Milan en 1984 puis à l'Odéon-Théâtre de l'Europe en en 1987, commence dans une station balnéaire où un maître en bizarrerie qui a évidement plus d'un tour dans son sac s'emploie à distraire les estivants. Une jeune femme excédée par  la jalousie de son mari accepte de participer à un tour de l'illusionniste pour disparaître et rejoindre son amant. 
Mais le  malheureux époux, qui s'accroche à cet amour qui est une cause perdue, cherche éperdument à la retrouver.  Le magicien, lui, prétend ne jamais l'avoir vue. Inconssolable,  sa victime refuse longtemps toute nourriture. Quand quatre ans plus tard sa femme réapparaît, il refuse de la reconnaître.
La pièce est menée tambour battant par Hervé Pierre (l'illusioniste) et Denis Podalydès (le mari abusif puis abusé). Mais la Comédie- Française est une troupe où les talents se bousculent. Dans des rôles annexes, Claude Mathieu, Alain Lenglet et leurs partenaires qui jouent souvent plusieurs rôles déploient le meilleur de leur talent. Les débuts au Français de l'anglais Dan Jemmet sont décidément délectables
En alternance jusqu'au 19 juillet Comédie -Française