lundi 30 mars 2009

John Gabriel Borkman d'Henrik Ibsen

On a pu à de nombreuses reprises remarquer la propension des metteurs en scène allemands à dépasser les bornes. Thomas Ostermeyer ne s'en est au cours de ses nombreuses créations pas privé lui non plus. Mais Ibsen dont il avait déjà monté Nora (Maison de poupée)et Hedda Gabler lui donne visiblement le goût de la sobriété. Il faut dire que le moral ébréché des personnages ne donne pas envie d'en rajouter. En cette période victime de l'idéologie productiviste et des petites frappes de la finance, il ne pouvait faire choix plus judicieux que John Gabriel Borkman. 

Banquier de son état, ce fils de mineur a, en effet, grugé la presque totalité de ses clients ce qui lui a valu cinq ans de taule. A sa sortie, il est revenu chez sa femme qui l'a relégué à l'étage du haut de leur manoir tandis que leur fils était confié à sa tante.  Le temps s'est écoulé, le fils devenu adulte est revenu vivre avec sa mère. La pièce débute au moment où la tante, soeur jumelle de la mère, ressurgit après plusieurs années de silence. et demande d'avoir jusqu'à sa fin qu'elle sait proche, son neveu à ses côtés. Mais le jeune home envoie dinguer mère et tante pour emprunter les chemins de la liberté. 

Comme chaque fois qu'il se mesure à cet auteur qui suggère avec des mots drus le pathétique de notre condition, Thomas Ostermeyer fait preuve tant sur le plan de la mise en scène, de la scénographie que de la direction d'acteurs d'une maîtrise vertigineuse. Un verre translucide occupe le fond de la scène, lorsque le plateau tourne s'élève une mince fumée. Les personnages d'une densité qui suscite le malaise sont défendus par des comédiens d'exception parmi lesquels on reconnaîtra Angela Winkler à qui l'immense Peter Zadek confia, il y a quelques années,le rôle d'Hamlet et qui au cinéma fut, entre autres rôles marquants, l'héroïne du film de Volker Schlöndorf "L'honneur perdu de Katharina Blum". Le prodige est que les années ne semblent pas pas avoir laissé sur elle l'ombre d'une empreinte;
Du 2 au 11 avril Odeon Théâtre de l'Europe 

dimanche 29 mars 2009

Je meurs comme un pays de Dimìtris Dimitriadis

Dimitri Dimitiadis, devenu aujourd'hui poète et auteur dramatique, débuta en 1978 juste après la chute du régime criminel des colonels avec ces phrases qui semblent monter de sa nuit. A travers un fleuve de mots hyperboliques, il dépeint ce fond de bestialité que des siècles de savoir vivre avaient refoulés. Portant cette parole plus qu'elle ne l'interprète, Anne Alvaro, évoque  d'une voix qui force l'écoute, le tragique immémorial de la condition humaine. Faits comme des rats par l'intrusion de cette hydre monstrueuse qu'est la guerre, tous voient leur destin fracassé et se révèlent capable du pire pour survivre. 
Bien que ce texte jaillit de la plume de son auteur il y a 30 ans, il est difficile de coller plus qu'il ne le fait à l'actualité. Tant les horreurs, que ce soit en Birmanie, en Tchéchénie, au Liban, à Gaza ou au Darfour, continuent de se multiplier. Conscient que l'écriture de Dimitriadis est d'une puissance déflagrante, Olivier Py a programmé plusieurs de ses pièces la saison prochaine au Théâtre de l'Odéon dont il est directeur. Anne Alvaro jouera dans l'une d'entre elles qui sera montée, comme le fut Gertrud de Howard Barker par GiorgioBarberio Corsetti. 
Il est urgent en attendant d'aller voir cette mise en scène d'Anne Dimitriadis et d'entendre la comédienne dans un emportement incantatoire dire à à la fin de la représentation qui peut aussi bien être interprétée par une seule actrice que par 70 (comme ce sera le cas l'an prochain par une troupe grecque) : "salaud de pays, il est parvenu à ce que ses tueurs atteignent nos matrices et les creusent comme des tombeaux".
Jusqu'au 7 avril MC93 Bobigny  

jeudi 26 mars 2009

L'habilleur de Ronald Harwood

Laurent Terzieff est avec Michel Aumont, Michel Bouquet, Robert Hirsch , et Jean-Paul Roussillon,  l'un des derniers grands acteurs de la scène française. Mais alors qu'il joue, lui, constamment à Paris où ses fidèles sont légion, le personnage qu'il interprète est un acteur d'envergure mais d'une emphase certaine  qui a pour territoire la province anglaise et fait comme nombre de ses pairs des tournées dans des conditions matérielles misérables. D'autant que la pièce se déroule alors que le pays vit sous la menace des bombardements allemands. 
Alors qu'il vient de s'enfuir d'une clinique, le "maître" rejoint sa loge où l'attend son habilleur qui, à l'inverse des autres membres de la compagnie, est persuadé qu'il peut une fois encore entrer dans la peau du  roi Lear. Cet homme qui n'arrête de lui tresser des compliments entretient avec l'acteur dont la mémoire s'étiole des rapports ambivalents. Alors que le vieux cabot ne manifeste aux membres de son entourage qu'une attention distraite et a le narcissisme dévoreur de ceux qui se considèrent comme des stars, il est manipulé par celui qui est devenu son miroir. Dans ce rôle le vieux complice de Terzieff (on pourrait presque dire son double), Claude Aufaure fait merveille. Tout comme Philippe Laudenbach, autre membre de la famille créée autour de lui par ce comédien qui honore l'art de la scène 
La période est décidément pleine de paradoxes où,  bien que nos gouvernants jugent la culture comme un luxe improductif,  le théâtre fait preuve d'une santé à toute épreuve. Le public fait d'ailleurs à L'habilleur un triomphe tonitruant.  
Théâtre Rive Gauche   

lundi 23 mars 2009

Chant d'adieu

Né en 1962, Oriza Hirata est le seul dramaturge nippon régulièrement joué en France. Le fait qu'il confronte  dans ses pièces français et japonais lui a sans aucun doute permis d'avoir la cote auprès d'une poignée de metteurs en scène de l'hexagone dont Ronald Gutmann qui monte ce Chant d'adieu dont la force hypnotique rappelle celle des films d'Ozu.  Cinéaste dont  l'auteur se dit grand admirateur.  Marie, qui s'était en seconde noce mariée à un japonais, est morte. Ses parents, son frère et son premier mari sont venus de France pour être présents  le soir de la veillée funèbre. 
La pièce dépeint des personnages infichus de comprendre les codes culturels de leurs hôtes à savoir le mari et la belle soeur de la défunte. La mère (Annie Mercier), femme pétrie de bon sens imite maladroitement les courbettes de ceux qui les  reçoivent, le père ( Jean-Jacques Moreau) apparaît comme un homme sans aspérité qui n'essaie pas d'imiter les comportements à ses yeux insolites de la famille avec laquelle sa fille avait refait sa vie. Le premier époux (Bruno Forget) de cette dernière semble en proie à un inextinguible remords dont on ne connaîtra jamais la cause. La pièce conserve d'ailleurs tout du long des zones d'ombre. Le frère a, quant à lui, visiblement les nerfs en pelote en partie sans doute à cause de la présence de son ex beau frère qu'il ne porte pas dans son coeur.Se trouve également présente une amie de la défunte (Catherine Vinatier) qui, établie depuis de nombreuses années au  pays du soleil levant, est familiarisée à ses coutumes.   
Parfaitement vissé, ce spectacle qui pourtant tourne autour de la pensée de la disparue déclenche à mainte reprises des sourires. L'excellence des comédiens japonais comme de leurs partenaires français y est évidement pour beaucoup. 
Du 24 au 27 mars Théâtre National de Bordeaux
Le 7 avril Dole Scène du Jura
les 21 et 22 avril Villefranche Théätre
Du 5 au 7 mai Grenoble MC2

dimanche 22 mars 2009

Le nouveau testament de Sacha Guitry

Auteur prolifique, Sacha Guitry a écrit une kyrielle de pièces. Parmi celles-ci certaines  où il prend les mots au collet sont de petits joyaux. Ce qui est le cas de Quadrille, de Toâ et du Nouveau testament qu'a mis en scène avec une réjouissante perspicacité Daniel Benoin. Un mari trompé profite de son infortune pour faire quelques révélations qui mettent  à mal tout son entourage. Ceux qui connaissent la touche inimitable du maître ne seront pas étonnés de l'entendre par la bouche d'un François Marthouret aux accents inédits faire l'éloge de l'inconduite. 
Celui qu'on considère généralement comme le type même du dramaturge bourgeois fait voler en éclat les vérités établies et n'a pas peur des phrases qui dérangent. Pour ce qui est de jeter les principes par dessus les moulins il se révèle même champion.  Benoin a eu l'astucieuse idée de créer en guise de décor des salons cossus démutipliés à l'infini qui occupent le centre de la salle alors que les spectateurs prennent place sur des gradins des deux côtés de la "scène". 
Si le spectacle procure un tel plaisir c'est aussi que les comédiens jouent délicieusement le jeu. . Dans le rôle de la légitime du maître de céans, Marie-France Pisier est exquise de frivolité et de mauvaise foi. Denise Chalem est, on ne s'en étonnera pas, tout aussi savoureuse. Quand à Philippine Pierre -Brossolette qui joue une secrétaire qui entretient avec son patron une inhabituelle connivence, elle apparaît sans conteste comme une belle découverte. 
Jusqu'au 5 avril Théâtre Nanterre-Amandiers

samedi 21 mars 2009

Le Pulle d'Emma Dante

Comme au début les comédiens gesticulent à qui mieux mieux ,on craint le pire. Mais très vite on prend conscience que la dramaturge sicilienne Emma Dante va entourer de sa ferveur les trans c'est à dire les travestis qui se prostituent. Après qu'ils se soient livrés à  des danses et à des chants d'une médusante beauté, ils commencent à se raconter. Pendant qu'ils se poudrent avec vigueur, ils relatent les évènements traumatisants qui dans leur jeunesse ou même dans leur enfance les ont fait muter de personnalité. Tous ont la particularité de s'exprimer rondement, de ne pas mâcher leurs mots. Alors  que l'un prétend qu'il va se marier et mener une vie popote, un autre qui s'est fait copieusement sermonner par l'un de ses confrères veut partir seul dans la nuit. Il en est empêché par ses copains et copines qui ne doutent pas qu'il va se faire violenter par des hommes gavés de haine. 
Malgré l'atmosphère burlesque dans laquelle baigne la représentations, on devine que ces êtres en marge vivent dans une insécurité permanente. Avec cette création Emma Dante met en scène un vibrant plaidoyer pour le respect des singularités
On croit savoir que pour protéger les enfants du bon dieu du récit de tant de turpitudes, le Saint Père, croisé d'une doctrine  méchamment réactionnaire, vient d'interdire ce spectacle au Vatican. 
Jusqu'au 11 avril Théâtre du Rond Point       

jeudi 19 mars 2009

La cerisaie

Pour son dernier spectacle comme directeur du Théâtre de la Colline, Alain Françon a choisi de mettre en scène La cerisaie, l'ultime pièce de Tchkhov qui relate l'abandon du mode de vie sans entraves des propriétaires des grands domaines.  Pour ce faire, il s'est dit-il inspiré des notes du grand réformateur du théâtre de son temps, Stanislavski. Le début se passe dans un salon aux lumières basses. Le plateau s'illumine quand surgit Lioubov revenue de Paris où elle a séjourné quelques années. Elle est entourée de ses deux filles, de son frère et de voisins pique assiettes ou qui ont  trouvé dans la réussite matérielle une raison de vivre. On apprend bientôt que la famille est dans une débine économique dont elle ne pourrait sortir qu'en autorisant la destruction de la cerisaie qui entoure la maison et la construction de datchas pour les citadins avides de séjours à la campagne.Ce qui semble à Lioubov et aux siens une aberration.  
Le temps passe comme dans toutes les pièces de Tchekhov au fil d'anodines conversations. Aucun des membres de la famille ne tient à prendre conscience que la société s'ébroue et qu'ils vont perdre leur dernier bien. Une interprétation presque sans faille rend cette cérémonie des adieux parfois drôle, la plupart du temps déchirante.
Dominique Valadié est prodigieuse en propriétaire aussi écervelée et large d'esprit que d'une générosité sans bornes. Didier Sandre interprète avec tout autant de subtilité, son frère d'une désinvolture princière, la composition de Jean-Paul Roussillon qui joue Firs, le  serviteur atteint par les fléaux de l'âge contribuera, quant à elle, à ce que ce spectacle restera en mémoire comme un pincement au coeur. 
Jusqu'au 10 mai Théâtre National de la Colline 
 

mercredi 18 mars 2009

Lyonnais à vos marques voici Hamlet

Aussi inspirée qu'elle le fut quand elle se mesura à à Etre sans père, première version de Ce fou de Platonov de Tchekhov Claire Lasne a demandé à cet incomparable passeur de l'anglais au français qu'est André Markowicz de lui prêter main forte. Elle a en outre imaginé un décor foisonnant au fond duquel se réfléchissent des miroirs. Lesquels reflètent l'esprit de Hamlet, qui depuis la disparition plus que suspecte de son père dont il croise le spectre, flotte à la lisière de la raison. Depuis cette perte le prince fait preuve d'une férocité brutale ou suave à l'égard de ceux qu'il considère comme des crétins patentés. 
Grâce au jeu confondant de diversité de Patrick Catalifo on passe constamment de la farce macabre à à la tragédie la plus sombre. Il se confirme que cet acteur qu'on a vu d'une si frappante justesse chez Claude Stratz, Jean-Pierre Vincent ou Patrick Pineau est de ceux capables d'emprunter la voie royale tracée par Michel Piccoli et consorts. Claire Lasne a eu l'idée saugrenue et poétique de lui donner -outre des  partenaires d'une qualité inégale- des compagnons d'un calibre bien différent à savoir un vautour et des grands ducs qui traversent la scène qui du coup prend des allures de donjon de légende.
L'oeil et l'oui sont donc constamment à la fête. On ne peut que déplorer qu'un spectacle d'une fougue aussi sanglante n'ait pas trouvé preneur dans la région parisienne
Du 24 mars au 3 avril Théâtre des Célestins Lyon   
   

vendredi 13 mars 2009

Casimir et Caroline d'Odön von Horvath

La scène inaugurale, au cours de laquelle une foule regarde éblouie l'aéronef Zeppelin qui traverse le ciel, est une splendeur. Parmi les badauds se trouvent Casimir, un jeune chauffeur qui vient de perdre son emploi et Caroline, sa promise dont les parents auraient préféré qu'elle épouse un fonctionnaire avec lequel son avenir aurait été assuré. Les deux amoureux ne tardent pas à se chamailler puis à se séparer. Comme cette rupture se passe dans un parc d'attractions, une cohorte d'autres personnages sont présents. Dont un tailleur d'âge mûr (Hughes Quester dont l'interprétation est comme toujours surprenante)  qu'émeut le jeunesse de Caroline. Casimir est, lui, happé par des jeunes qui machinent quelque mauvais coups. 
Pour sa première mise en scène comme directeur du Théâtre de la ville, Emmanuel Demarcy-Mota a choisi cette pièce d'une exceptionnelle densité écrite au début des années trente par Odön von Horvath qui pressentait le gouffre dans lequel allait tomber l'Allemagne qu'il n'allait pas tarder à quitter pour Paris où, au cours d'un orage, la chute d'un arbre mit prématurément fin à ses jours. 
Cet univers où les jeunes draguent, se laissent glisser sur des toboggans et se pochardent et où des puissants  se payent des filles sans le sou, aurait mérité d'être plus concis. Beaucoup de scènes, surtout celles où les adolescents s'amusent à lorgner des phénomènes de foire ou en viennent aux mains sont inutilement étirées.  Ce qui est d'autant plus navrant que l'Allemagne des années qui précédèrent l'élection d'Hitler étant entrée dans une crise économique majeure, cette oeuvre n'est pas sans rappeler la période de déliquescence sociale que nous traversons. Le spectacle bénéficie heureusement  de  la présence de Sylvie Testud et de Thomas Durand, un nouveau venu d'un incontestable talent.  
Ayant un sens aigu des éclairages, le metteur en scène clôt son spectacle sur l'image grandiose d'un monde qui s'assombrit comme s'est éteint l'amour de Casimir et Caroline. 
Jusqu'au 27 mars Théâtre de la Ville    
   

jeudi 12 mars 2009

Promenades de Noëlle Renaude

Franc- tireuse du langage, Noëlle Renaude est, à n'en pas douter l'une des écrivaines de théâtre les plus difficiles à monter. Ce qui n'est pas fait pour rebuter Marie Rémond, jeune metteuse en scène et comédienne qui compte parmi les plus prometteuses de sa génération. Les personnages qui occupent le plateau sont pour la plupart des jeunes aux affections déréglées. On suit en priorité le parcours sinueux de Bob (Alexandre Steiger, un jeune trentenaire à ne pas perdre de vue) qui, trahi par son ami d'enfance lequel l'a débiné auprès de sa compagne afin de la lui piquer, n'est pas lui non plus un petit saint puisque, à leur insu, il se partage entre deux femmes. Complètement paumé, il accepte l'offre d'un certain Tom qui lui offre de s'éloigner de la ville et de ses tentations néfastes et de le suivre à la campagne. Mais ce retour à la nature ne tarde pas de virer à l'embrouille. Et Bob de disparaître sans laisser de traces. 
Des didascalies présentes dans la bouche d'un grand nombre de créatures de Noëlle Renaude  au début des tableaux à la fois ajoute à la difficulté de donner vie à la pièce et lui donne une attirante étrangeté. L'auteure a l'art d'harmoniser l'humour et la cruauté pernicieuse, de mêler mésaventures burlesques et virages au noir. Comme de plus un grand nombre d'acteurs assurent à leur personnage un relief saisissant, on se trouve devant un spectacle qui, malgré quelques minces scories, se démarque des productions courantes.
Jusqu'au 28 mars Théâtre Ouvert

mercredi 11 mars 2009

sex traffic circus

Pendant plus d'un an et demi Laurent Maurel a fourrager dans les souvenirs de filles venues de Moldavie en France  où elles furent réduite à l'état d'esclaves sexuelles. Le spectacle présenté aujourd'hui à partir de ces témoignages a pour une large part été improvisé par les comédiens au nombre de cinq, trois filles et deux garçons. On apprend ainsi non seulement que 70% des prostituées le sont contre leur gré mais aussi que 30% des files moldaves âgées de 18 à 25 ans ont disparues de chez elles. Avant de les mettre sur le trottoir ont fait descendre à ces malheureuses tous les degrés de l'indignité. Passant ainsi d'humiliation en humiliation, elles vivent confrontées à la bête immonde de la peur. L'une d'elle s'est révoltée et a balancé aux flics de la patrie des droits de l'homme son enfer et donnée les noms des bourreaux. Depuis peau de lapin. Les macs et leurs complices sont toujours en liberté. Ce qui ne s'explique que par le fait que les ramifications mafieuses impliquent du beau linge. Aujourd'hui les filles venues de l'Est sont plutôt envoyées dans les pays du golfe et remplacées en France par des africaines et des chinoises. Malgré une scénographie assez faiblardes, le spectacle est saisissant. 
De graves menaces pèsent aujourd'hui sur Le Lavoir Moderne Parisien. Il risque en effet sous peu de disparaître. ce qui serait d'autant plus scandaleux qu'il est l'un des rares à Paris qui évoquent des faits de société passés prudemment sous silence
Jusqu'au 27 mars et peut être au delà Lavoir Moderne Parisien  

samedi 7 mars 2009

Duetto, de Leslie Kaplan

Loin de l'emprise aliénante du discours féministe l'écrivaine et auteure dramatique Leslie Kaplan a la trempe de s'attacher aux comportements excentriques de deux copines. L'une déboule avec des fleurs en pot qu'elle finira par massacrer, l'autre est troublée par une femme repérée dans un magazine qui lui ressemble, pense-t-elle, comme deux gouttes d'eau. Les deux jeunes femmes, sont campées avec une fantaisie effrénée par Elise Vigier et Frédérique Loliée qui ont elles mêmes conçues le spectacle. A langue imaginative de Leslie Kaplan, elles ont ajoutées des extraits de pièces de Rodrigo Garcia, dramaturge argentin établi en Espagne réputé pour ses créations on ne peut plus trash. Du coup l'une des deux actrices en vient à parler dans un espagnol traduit aussitôt par sa partenaire, tandis que celle-ci s'enduit les bras de ketch up. 
On trouve pèle mêle dans cette représentation joyeusement branque des chansons, des séquences de cabaret, des discours peu orthodoxes sur la condition féminine et des scènes de jeux. L'une des comédienne se fait la malle en disparaissant  comme une souris dans le trou d'un mur puis réapparaît. La scène sur laquelle l'autre actrice déverse un cageot de légumes sur le plateau transforme celui-ci en foutoir. Pour ajouter à l'incongruité de la situation les lumières changent sans cesse d'intensité et un gars braque sa caméra sur les deux filles aux conduites déréglées. 
La scène la plus chavirante est celle où l'une des deux comédiennes dit à un mec qu'on ne verra pas : câline-moi, arrose -moi, asperge-moi, bourre-moi. Ce duetto est à particulièrement recommander à ceux que séduisent les spectacles gorgés d'inventions et qui réservent de plus des replis inattendus. 
Jusqu'au 29 mars Maison de la Poésie    
      

mercredi 4 mars 2009

Oncle Vania de Tchekhov

Le succès des spectacles de Claudia Stavisky tenait la plupart du temps à la présence de comédiens aguerris (Denise Gence, Nada Stancar, Didier Sandre...) Il en va tout autrement avec Oncle Vania à la traduction duquel l'infatigable André Markowicz a prêté son concours.  Le paradoxe est que la metteuse en scène, battante opiniâtre, n'aura jamais été autant à son affaire qu'en dépeignant les personnages privés de volonté imaginés par Tchekhov. Le canevas est connu qui décrit le séjour dans la maison de campagne où vivotent sa fille Sofia et Vania le frère de sa défunte première femme, d'un professeur, spécialiste de l'art qui a pour principal génie celui du mensonge à lui-même. La maisonnée, qui comprend aussi une grand mère et une vieille nourrice, est contaminée par l'oisiveté de ce sexagénaire hypocondriaque et d'Eléna, sa deuxième femme dont la jeunesse et la beauté attisent le désir de Vania mais aussi du docteur Astrov dont, pour son malheur, Sofia est éperdument éprise.
Le feu de la discorde qui couve entre Vania et son beau-frère finira par s'étendre. Et le couple prendra le large pour ne jamais revenir laissant les habitants du domaine à leur vie sans saveur. Si le décor est d'une redoutable laideur, l'interprétation est, elle, d'un insolite qui finit par porter ses fruits. C'est en effet une idée bien saugrenue que de confier le rôle du mélancolique Vania à Didier Benureau surtout connu pour ses prestations comiques. Philippe Torreton interprète le médecin porté sur la vodka et émoustillé par la présence d'Eléna avec un métier sans bavure. Bien que trop séduisante pour jouer l'ingrate Sofia, Agnès Sourdillon est parfaite. Comme le sont Maria Verdi à qui échoit le personnage de la nourrice et Georges Claisse qui impose un professeur à la retraite saisissant d'amour immodéré de sa propre personne.

Jusqu'au 3 avril Théâtre des Bouffes du Nord

dimanche 1 mars 2009

Les fiancés de Loches deFeydeau

Le début est stupéfiant  qui montre un défilé de gens venus dans une agence de placement à la recherche d'un boulot. La scène serre d'autant plus le coeur que la plupart de ces demandeurs d'emploi vivent réellement dans un centre d'hébergement et d'assistance pour personnes sans abri. L'acteur Chad Chenouga y anime un atelier théâtre dont les subventions  sont menacées par les restrictions de budget. Ce qui n'étonnera personnes en ces temps  où non seulement l'ascenseur social est bloqué mais ou les personnes les plus démunies comptent pour du beurre aux yeux des princes qui nous gouvernent.


Mais nous sommes chez Feydeau non chez Brecht ce qui veut dire que les gags ne vont pas tarder à crépiter. Se croyant dans une agence matrimoniale (qui a son siège un étage plus haut) deux frères et leur frangine venus de province (plus exactement de Loches) chercher l'âme soeur, font leur entrée dans le bureau de placement où ils sont engagés sur l'heure comme domestiques par un médecin sur le point de se marier alors qu'il a promis à une demi-mondaine de lui mettre la bague au doigt. Va bien entendu naître un torrent de quiproquos qui emmènera tous cette bande de gogos dans la maison de santé dirigée par le docteur que les énergumènes qui occupent son appartement et risquent de faire capoter ses noces commencent à lui courir sur le haricot.  

En écrivant au cours de sa  jeunesse, Les fiancés de Loches, Feydeau ne pouvait évidement pas savoir - encore qu'il en avait peut être la vague prémonition - qu'il finirait lui-même ses jours dans un hôpital psychiatrique.  Réputée injouable, cette pièce a été montée de main de maître par Jean-Louis Martinelli. Sa mise en scène foisonne de trouvailles et il a su trouver la célérité des enchaînements sans laquelle Feydeau apparaît comme un auteur mortel. Des comédiens au talent bien trempé font le reste. On citera en particulier le trio de provinciaux joués avec une fantaisie décapante par Sophie Rodrigues, Mounir Margoum  et Zakariya Gouram ainsi que Martine Vandeville qui compose une vieille fille qui rappelle les si pittoresques seconds rôles du cinéma français d'antan. 


Jusqu'au 11 avril théâtre Nanterre-Amandiers