Les mises en scène d'Arnaud Meunier, nommé depuis deux ans à la tête de la Comédie de Saint-Etienne, ont une force de percussion qui va en s'accentuant. Il s'est, cette fois, emparé d'une pièce du jeune auteur italien Stefano Massini, qui, comme Pasolini, son aîné vénéré, se montre décidé à en découdre avec la marche inacceptable du monde. Il relate, pour ce faire, une saga familiale exemplaire : celle des frères Lehman, nés en Bavière dans une famille juive et qui, dans les années 1840 ont jeté l'ancre en Alabama où ils ont fait prospéré un commerce de vêtements. D'heureuses occurrences leur permettent de changer d'activités et de faire, peu à peu, fortune.
Le flux serré de la narration de cette succes story qui est aussi une marche vers la notabilité tient trois heures durant autant en haleine qu'un polar. Les frères Lehman, leurs fils et petits fils se boostent tous à l'activité. Alors que l'un devient un financier perspicace qui ne cédant pas à la panique provoquée par le krach de 1929 accroît sa richesse, l'un de ses cousins endosse la fonction de maire de New York. D'un tempérament déterminé, ces messieurs font souvent des mariages de raison. Il faudra attendre l'époque où les divorces hollywoodiens faisaient la une des journaux, pour que l'un des Lehman - qui finança plusieurs films - épouse successivement trois croqueuses de diamant dont le départ ne l'affecta en rien...
Les premiers Lehman arrivés aux Etats Unis étaient des juifs observants qui à la disparition de l'un d'eux faisaient Shiva, ne quittaient pas le lieu familial pendant une semaine, déchiraient un de leur vêtement, disaient la prière du Kaddish matin et soir. Leurs enfants firent encore de même. Leurs descendants, happés par l'intérêt qu'ils portaient au cours de la bourse, abandonnèrent ces traditions ancestrales. En 1984 l'entreprise familiale fut vendue à des traders. Certains des Lehman faisaient des rêves peuplés de dangers. Ce qui témoigne des émotions qui les habitaient. Le capitalisme à visage, cette fois brutalement inhumain occupe, dès lors, la place.Et fera les ravages que l'on sait.
Le texte écrit par Stefano Massini est d'un jet, ne comporte aucune indication quand à la façon d'appréhender les rôles. Arnaud Meunier a, lui, réunit six comédiens aguerris qui jouent chacun plusieurs personnages dont certains féminins. Si ce spectacle captive autant c'est non seulement parce qu'il est d'une splendide facture mais aussi, surtout car il se mêle de ce qui, tous, nous regarde.
Jusqu'au 30 Novembre Théâtre du Rond-Point tel 01 44 85 98 21
lundi 11 novembre 2013
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