Bernard Sobel n'a pas son pareil pour sortir de l'oubli des auteurs dramatiques mis au rencart. Sa préférence va depuis toujours à des créateurs réfractaires aux dogmes. Ce qui est le cas de Iouri Olechaqui (1899 - 1960) qui connut la renommée dans les années vingt et trente puis eût, en raison de son peu d'enthousiasme pour les idéaux communistes relookés par Staline, quelques différents avec la censure. Il finit, non pas comme beaucoup de ses pairs au goulag ou passé par les armes, mais dans la misère.
Le metteur en scène a la particularité d'être un penseur subtil et un piètre directeur d'acteurs. Ce qui a pour conséquence qu'il monte des spectacles captivants lorsqu'il engage (comme il le fit, entre autres, pour La forêt d'Ostrowsky) des comédiens qui ont métier et talent. Alors que la plupart des jeunes comédiens semblent un peu égarés, John Arnold qui marche sur les traces de Le Vigan et Pascal Bongard dont la force magnétique ne ressemble à celle de personne, sont prodigieux en frères ennemis. L'un se targue d'appartenir au vieux monde et fait, dans un pays où l'imagination est réduite au silence, l'apologie de la liberté de parole et de pensée tandis que l'autre est partisan de la rénovation de l'homme. La passion que leur inspire à tous deux la même jeune fille ne peut évidement qu'attiser leur haine.
Alors qu'il est à son affaire dans les scènes réalistes, Sobel ne l'est plus du tout lorsque la pièce bascule dans l'onirisme. Ecrite dans les mêmes années que celles où Nicolaï Erdman dressait dans "Le suicidé" un tableau peu glorieux de la chaotique période post-révolutionnaire, cette pièce méconnue fait, elle aussi, le constat que la société soviétique dérive vers le pire.
Jusqu'au 8 octobre La Colline- théâtre national tel 01 44 62 52 52
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