samedi 12 mars 2011

Ma chambre froide de Joël Pommerat

Joël Pommerat, on le sait, ne s'intègre à aucun courant. Il franchi de plus avec "Ma chambre froide" un palier nouveau. Estelle, le personnage central d'une humilité et d'une gentillesse exaspérantes fait songer à ces monstres de vertu que sont L'idiot de Dostoïevski et l'héroïne de La bonne âme de Tse Chouan de Brecht. Elle trime dans un magasin où ses collègues l'exploitent et dont le patron est un sagouin de la pire espèce.Ce dernier est atteint d'un mal qui ne lui laisse aucune chance de s'en tirer. Il lègue ses multiples affaires à ses employés mais cela à des conditions plus que contraignantes. L'une d'elles est l'obligations pour ses légataires de monter un spectacle qui relate sa vie.

Et c'est Estelle, celle que tous bafouaient, qui en est la créatrice. Esprit un poil égaré, elle tente de faire reproduire les images qui ont surgies dans son sommeil. Ses confrères commencent par se rebiffer puis, lorsque surgit un frère de leur souffre douleur, individu d'une violence pathologique, acceptent ses instructions même celle de se déguiser en animaux révélant par là la bestialité qui est au coeur de l'espèce humaine. L'argent peu à peu les transforme. Ils font bientôt leur l'arbitraire cupide du dirigeant unanimement haï mais ne tarderont pas à récolter les fruits amers de cette trahison de leur classe.

Assaisonnée de scènes burlesques telles celle où un collègue chinois d'Estelle s'exprime dans un français incompréhensible mais dont elle fait une traduction en décalé et d'autres où des acteurs belges assènent des paroles d'un écoeurant bon sens avec un accent à couper au couteau, la représentation frappe autant par la justesse saignante de son discours social que par ses épisodes oniriques d'une sidérante splendeur.

Avec son décor en forme d'arène, ses jaillissements de musique de boîte de nuit, son écriture d'une beauté qui laisse coi et ses interprètes aux physique étonnement insignifiants mais au talent prodigieux, ce spectacle est à la mesure du chaos du monde.
La dernière phrase qui décrit Estelle comme "une sainte amoureuse du mal" en dit long sur la connaissance qu'a Joël Pommerat de l'architecture mentale de de ses " frères humains".


Jusqu'au 27 mars Odéon Ateliers Berthier tel 01 44 85 40 40

1 commentaire:

Fanny Le Borgne a dit…

Ça me conforte dans mon choix d'aller voir sa reprise bientôt! Très bel article, je compte bien parcourir le reste du blog!