Deux femmes visiblement excédées l'une par l'autre. Les mots jaillissent de leurs bouches sans qu'elles les maîtrisent. Leurs propos n'ont rien à voir avec la réalité mais tout avec les clichés les plus éculés. La carnassière machine capitaliste a broyé leurs personnalités. Ce qui leur reste d'humanité elles le projettent sur Louise , une tierce personne, qui n'apparaît jamais mais qui, concentre leurs désirs les plus enfouis. Elles n'ont donc de cesse de la traitée de folle.
Leslie Kaplan est sans doute aucun l'un (l'une) des rares auteurs dramatiques français digne de Bernard - Marie Kotès et de Jean - Luc Lagarce, disparus dans la fleur de l'âge. Si son sentiment de l'absurde qui gouverne nos vies évoque Beckett son propos est par ailleurs en prise directe avec notre désolant présent. On repère dans le maelström de paroles que déversent les deux occupantes du plateau (phénoménales Frédérique Loliée et Elise Vigier) l'aversion qu'inspire à l'auteur la société néo- libérale, le peu de cas qu'elle fait de nos préoccupations et son acharnement à rejeter les fous, c'est à dire tous ceux qui ne marchent pas au pas, hors de l'humanité.On peut plus qu'on ne l'a jamais fait parler de déraison d'état.
La mise en scène réalisée par les deux comédiennes étincelantes de fantaisie n'est que fulgurantes inventions. Le décor conçu par Yves Bernard, au début d'une somptueuse sobriété n'arrête, pour notre plus grand bonheur, de se transformer. Si son contenu est justement alarmiste, le texte de Leslie Kaplan est souvent d'une décapante drôlerie. "Une femme n'est pas grand chose" écrit-elle "la preuve c'est que dieu n'est pas marié" ou tombe malicieusement sous le sens: " toute cette civilisation, tous ces siècles et ces siècles de civilisation pour en arriver là."
Avec les créations de "Ma chambre froide de Joël Pommerat et Louise , elle est folle de Leslie Kaplan, ce début du mois de mars fournit la preuve que le théâtre, que tant - nos gouvernants en tête - veulent croire moribond, a sacrément repris du poil de la bête.
Jusqu'au 27 mars Maison de la Poésie tel 01 44 54 53 00
lundi 14 mars 2011
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