Cette pièce est si fréquemment à l'affiche que tous les amateurs de théâtre en connaissent le déroulement. Mais plutôt que d'en faire un pamphlet féministe, ce qui est par trop attendu, Jean-Louis Martinelli en charge de la mise en scène, met l'accent, lorque Nora quitte le foyer conjugal, sur la pensée bien actuelle que le salut se trouve dans l'initiative individuelle. Ce qui est d'autant plus gonflé qu'à la création Ibsen fut contraint de renoncer à ce départ au cours duquel elle abandonne non seulement l'homme au coeur inattentif qu'est son époux mais aussi ses enfants.Ce comportement était, en effet, particulièrement choquant pour ses contemporains.
Mais si cette peinture des moeurs d'un autre temps retrouve un second souffle c'est aussi parce qu'il a eu l'idée brillante de confier le rôle de celle que son mari ne veut voir que comme une femme-enfant à Marina Foïs. L'éventail de rôles qu'elle peut assumer est si large qu'elle arrive à ombrer, dès le départ, d'une sourde inquiétude l'insouciance de la jeune femme du futur responsable de la banque locale. Lorsqu'il apprend qu'elle a commis un acte que la loi juge délictueux et qu'il se montrera sous son vrai jour, celui d'un individu tout de mesquinerie, elle jettera, elle aussi, le masque de la femme soumise jusqu'à l'absurde à l'autorité maritale. Elle ne sera dorénavant plus jamais subjuguée par l'émail clinquant de ses paroles.
On sait également gré au maître d'oeuvre d'avoir choisi pour incarner le docteur Rank, adorateur muet de Nora jusqu'au jour où il sait de source sûre qu'il est perdu, le si subtil Grégoire Oesterman. L'autre trouvaille de génie est d'avoir dégotté pour interpréter Krogstadt, le faux mauvais sujet, Laurent Grévill sur lequel Patrice Chereau et Pierre Romans qui dirigeaient l'école de Théâtre de Nanterre fondaient les plus grands espoirs et qu'on n'a pas vu sur une scène -à l'exception d'un modeste spectacle sur Anaïs Ninn - depuis 7 ans...
Cette pièce aux si nombreux virages au noir dont on pensait avoir épuisé les charmes a décidément, pour peu qu'elle soit jouée par des acteurs de cet acabit, de beaux jours devant elle.
Jusqu'au 17 avril Théâtre Nanterre Amandiers tel 01 44 14 70 00
dimanche 14 mars 2010
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