Authentique légende de la scène, Serge Merlin évoque avec fureur mais aussi malice les souvenirs poisseux que Thomas Benhard rassembla dans Extiction, sa dernière oeuvre, qui dure environ trois heures et qu'il a réduit, sans en enlever le sel, à quatre-vingt minutes. Le texte commence lorsque son personnage qui a fui Wolfsegg (qui pourrait se traduire par le coin au loup) pour se fixer à Rome, reçoit la nouvelle de la mort dans un accident de voiture de ses parents et de son frère. Loin de le chagriner ce drame redonne force à la haine qui lui inspiraient les disparus.
Dernier de la fratrie , il ne fut jamais considéré que comme un erzats, un menteur né aux dires de sa mère. Et le voilà, livré à son habituelle incontinence verbale, tirant des salves contre les siens. Seul échappe à son juste courroux un oncle qui lui aussi alla s'installer au soleil et laissa, à la fureur des autres membres de la famille, son immense fortune à son intendant. Il se montre nettement moins tendre avec ses soeurs qui passaient leur temps à tricoter des pulls d'un goût immonde et à mettre dans des bocaux des aliments qui lui soulevaient le coeur.
Mais ce sont surtout ses parents qui sont l'objets de ses plus haineuses ruminations. Les amis de son père qu'il revoit à l'enterrement familial sont d'anciens gauleiter et autres SS suivis de bons citoyens qui adhérèrent sans états d'âme au national socialisme. Il se souvient même avec horreur qu'alors que ses géniteurs bambochaient après la défaire d'Hitler avec des huiles de l'armée américaine, ils avaient planqué cent mètres plus loin, dans une de leurs maisons, des assassins décorés de l'ordre du sang. Ces canailles mènent aujourd'hui une paisible et confortable vieillesse.
Thomas Bernhard pousse son art de l'exagération jusqu'à des limites qu'il est le seul a atteindre. Il a trouvé en Serge Merlin un interprète qui traduit sa vindicte sans jamais en faire trop. Il a, il est vrai, eu la chance que des metteurs en scène de la qualité d'Alain Françon et de Blandine Masson, lui aient donnés des points d'appui pour la lecture de ce texte d'une lumineuse paranoîa.
Jusqu'au 18 avril Théâtre de Madeleine tel 01 42 65 07 09
vendredi 19 mars 2010
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire