lundi 8 février 2010

Un tramway d'après Tennessee Williams

Quand on a découvert au théâtre Purifiés de Sarah Kane, Le Dibbuk d'après Shlomo Anski, Kroum de Hanokh Levin ou Angels in America de Tony Kushner et à l'opéra Iphigénie en Tauride de Gluck et L'affaire Makropoulos de Leos Janacecek, on était persuadé tenir avec le polonais Krzysztof Walikowski un nouveau prodige des arts de la scène. Un Tramway adapté d'Un tramway nommé désir de Tennessee sent la commande à plein nez. Or Walikowski, esprit farouchement indépendant, est incapable de souscrire à de tels contrats. D'où la déception que procure ce spectacle.

Seule Isabelle Huppert nous éblouit. Ce qui est d'autant plus surprenant que comédienne de première force lorsqu'elle se trouve devant une caméra, elle a sur scène, comme l'ont prouvés Quartet de Heiner Müller dont s'était emparé Bob Wilson ou le calamiteux Hedda Gabler d'Ibsen mis en scène par Eric Lacascade, une fâcheuse tendance à ne pas tenir compte de ses partenaires. Reprenant le rôle de Blanche Dubois immortalisé à l'écrant par Vivien Leigh dans le film d'Elia Kazan, elle surgit chez sa soeur mariée à un polonais plutôt fruste et sème le chaos. Véritable champs de ruine psychique toujours prête à se livrer à de nouvelles inconséquences, elle décourage le dévouement de sa soeur qui finira, lorsqu'elle sera mère, par la laisser tomber et s'attire l'hostilité de son beau-frère qui ne voit en elle qu'une femme d'âge mûr emportée par sa libido, ce dont il profite avec sauvagerie avant de la livrer aux porteurs d'une camisole de force. Jamais, sauf lorsque le texte l'oblige à jouer seule, l'actrice qui, cette fois, est en phase avec les détenteurs des autres rôles, ne nous aura à ce point remués.

Plus modeste, mais nettement plus réussi est Je ne sais quoi de Nathalie Joly. Cet exquis numéro de caf conc qu'on a pu voir il y a peu à La vieille grille (où il se donnait à bureaux fermés) poursuit sa carrière au Lucernaire. L'irremplaçable Yvette Guilbert à laquelle Nathalie Joly prête sa voix enchanteresse était aussi une personne rayonnante d'intelligence ce qui lui valut de devenir une proche de Freud avec lequel elle échangea une abondante correspondance. Dans ce spectacle réalisé avec une application sourcilleuse et pleine d'esprit, par Jacques Verzier, la chanteuse alterne des chansons polissonnes à des extraits de la correspondance qu'elle entretint avec le découvreur de l'inconscient.

Jusqu'au 3 avril Odeon Théâtre de l'Europe Un tramway tel 01 44 85 40 40
Jusqu'au 28 mars Le Lucernaire Je ne sais quoi tel 01 45 44 57 34

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