Alors que les spectacles que nous avons découverts ces jours derniers étaient d'un intérêt si mince qu'il était préférable de les passer sous silence, Shun-Kin, d'après ce géant de la littérature nippone qu'était Jun ' ichirô Tanizaki, provoque un durable choc esthétique. Il est vrai que Simon Mc Burney, l'une des plus grandes pointures de la scène britannique, est aux commandes et que celui par qui débute et se clôt la représentation n'est autre que Yoshi Oida, acteur de 77 ans connu par ses ouvrages sur l'art de la scène et sa contribution décisive aux créations de Peter Brook.
Une petite fille de la haute que le geste criminel d'une gouvernante a rendue aveugle est vénérée par Sakuze, un garçon d'origine obscure de quatre ans son aîné. Entre eux va très vite s'établir un lien sado-masochiste. La petite fille est une marionnette manipulée trois officiants. L'ironie est que c'est elle qui manipule son entourage. Son autorité est telle que tous tremblent devant ses colères qu'elle ne fait aucun effort pour juguler. Sa victime favorite est Sazuke qu'elle n'hésite pas sous les prétexte les plus futiles à battre comme plâtre.Ce qui n'est visiblement pas fait pour déplaire à son souffre douleur.
L'amour n'étant pas, comme le dit pertinemment le metteur en scène, un lac tranquille, les jeunes gens partent, cohabiter dès qu'ils ont rallié l'âge adulte. Shun - Ki ,à présent jouée par une comédienne, se distingue par sa maîtrise du shamizen, un instrument de musique traditionnel. Devenue une enseignante cruelle, elle essuiera une nuit les foudres d'un élève qu'elle a malmené. Défigurée, elle ne veut être vue de personne. Et Sazuke de se crever les yeux.
Comme dans L'éloge de l'ombre du même auteur monté en France il y a quelques années, la beauté réside ici dans l'obscurité.
La passion qu'éprouve la musicienne pour les mouettes qu'elle demande à son amant-esclave de libérer et qui toujours reviennent se réfugier dans leur cage, rappelle qu'au regard des japonais du temps jadis ( le roman se situe au 19e siècle) la vie est faite de moments fugitifs. L'extrême élaboration formelle du spectacle est d'un tel raffinement qu'on en reste bouche bée.
Alors que les rapports des deux personnages principaux est d'une brutalité intolérable, Mc Burney les traite avec une douceur
qui rappelle qu'en matière d'amour il n'est pas de rêgle qui tienne. Et qu'en matière de théâtre la grâce parfois surgit. Comme c'est le cas ici.
Dan le cadre du Festival d'automne Jusqu'au 23 novembre Théâtre de la Ville tel 01 42 74 22 77
vendredi 19 novembre 2010
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