Alors qu'elle se consacrait ces dernières années à un théâtre documentaire où elle enregistrait les paroles des habitants du quartier de la Goutte d'or qu'elle restituait elle-même ou en chargeait d'autres comédiens, Laurence Février change cette fois radicalement de registre puisqu'elle a réalisé un montage de l'oeuvre maîtresse de Madame de Lafayette, La princesse de Clèves. Ce roman tendu à se rompre s'attache au destin de mademoiselle de Chartre que le prince de Clèves, ébloui par sa beauté, épouse en grande pompe.
La jeune femme rencontre chez la dauphine (soeur d'Henri II) dont elle est une dame de compagnie, le duc de Nemours, décrit comme un chef d'oeuvre de la nature. L'homme a la réputation d'être inconstant, d'aller de bras en bras. Mais cette fois, à la vue de la princesse, il sent son coeur chavirer. Le coup de foudre est réciproque. Il déclenchera des malheurs. C'est avec un sens aigu de l'analyse des sentiments que la romancière dépeint les étapes de cette passion qui provoquera en chacun des trois protagonistes une blessure à vif. Si le lumineux objet du désir qu'est la princesse n'arrive pas à combattre son trouble, elle est prête à tout entreprendre pour maîtriser ses actes. Et l'avenir des deux amoureux d'apparaître drapé de noir.
Laurence Février relate cette passion avec une grâce souveraine. Le spectateur, lui, est émerveillé et par son jeu et par la langue d'une stupéfiante séduction de Madame de Lafayette. On doit en définitive une fière chandelle à notre président qui en raillant ce joyau des lettres françaises l'a sorti du semi- oubli où il était tombé. Ajoutons enfin que la scénographe Brigitte Dujardin a réussi a créer l'illusion que le spectacle se déroule sur un vaste plateau alors qu'il est en réalité de dimension modeste.
Théâtre le Lucernaire tel 01 45 44 57 34
vendredi 5 novembre 2010
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