mercredi 28 novembre 2018

Festval TNB Théâtre National de Bretagne

Directeur général du TNB, Arthur Nauziciel a brillamment pris la relève de François Le Pilouer qui fut longtemps aux commandes du lieu et initia un festival qu'il rendit prestigieux. Nous n'avons pu assister qu'au dernier et plus que convaincant week-end de la manifestation. Elle s'ouvrit avec "Les idoles" où les fantômes chers à Christophe Honoré viennent à notre rencontre. L'écrivain-cinéaste- metteur en scène de théâtre est trop jeune pour avoir connu Jacques Demy, Serge Daney, Jean-Luc Lagarce, Bernard-Marie Koltès et Cyrille Collard; tous emportés par le sida dans les années 80. Mais il a pour eux une si fervente admiration qu'il réussit le prodige de leur redonner vie. Ces artistes si tôt soustrait de la communauté des vivants occupent le plateau et balancent des mots qu'ils auraient pu dire et que parfois ils ont écrits. Christophe Honoré a d'ailleurs magistralement intégré à des phrases qu'il a le sentiment qu'ils auraient pu prononcer à celles nées de leur plumes. Si l'influence de Demy sur ses films est nette, on ne saurait dire pareil pour les oeuvres des autres créateurs qu'il a convoqué.L'univers de Cyrille Collard, dont le film, les Nuits fauves tiré du livre qu'il écrivit peu avant, est celui d'un être tendre emporté par le goût de l'aventure apparaît bien éloigné du sien. Comme l'est celui de Jean-Luc Lagarce qui s'était notamment fait, et avec quel talent!, le chroniqueur de son quotidien. Si Bernard-Marie Koltès savait par le truchement de son écriture d'une puissance foudroyante nous entraîner au coeur des ténèbres, c'est qu'il était attiré par les enclaves de nuit et peut être les situations périlleuses dans lesquelles cet homme au physique dévastateur s'exposait. Peut-être- et c'est là la seule réserve que peut susciter le spectacle- Serge Daney dont l'intelligence lumineuse et la plume affutée faisait le bonheur de ses lecteurs est le moins bien loti. La raison pourrait en être que Christophe Honoré ne partage que peu son goût pour la spéculation intellectuelle. Il est frappant que cet auteur n'est jamais autant à son affaire que quand il cède à la nostalgie d'une époque dont il n'a pas connu la grandeur et les trépidations. Ceux qui ont vu le spectacle "Nouveau roman", où il évoque les auteurs publiés autrefois aux Editions de minuit en gardent un souvenir enthousiaste. Un mot enfin pour les comédiens qui de Marlène Saldana(Demy) à Youssouf Abi Ayad (Koltès), Julien Honoré (Lagarce),Marina Foïs (Guibert) et Harrisson Arévalo (Collard) sont tous d'une présence sidérants. Autre (re)découverte celle du metteur en scène iranien Amir Reza Koohestani qui dans Summerland nous introduit dans la cour d'une école de village où un peintre, une surveillante avec laquelle il a vécu et la mère d'une élève s'attardent chaque jour une heure avant la sortie des cours. La petite fille s'est amourachée de l'homme ce qui provoque une situation intenable. On pense évidement aux films d'Abbas Kiarostami. Mais la difficulté des rapports hommes-femmes est ici davantage dévoilée. La journée s'est achevée en beauté. Le chorégraphe Boris Charmatz et l'historien Patrick Boucheron se sont concertés pour relater à travers des performances de comédiens et de danseurs une histoire de France qui mène de la grotte Chauvet aux événements de 2015. Le spectateur chaloupe, passionné, entre les époques en passant d'un coin du théâtre à l'autre. Né de l'ouvrage collectif "Histoire mondiale de la France" cette randonnée est le clou et le point final d'un festival qui aurait pu s'intituler celui du gai savoir.

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