samedi 30 mars 2013

Solness le constructeur d'Henrik Ibsen

Alain Françon aime explorer divers pans de l'oeuvre des auteurs dont il se sent proche. A savoir Edward Bond, Tchekhov et Ibsen. C'est apparemment quand il se mesure à ce dernier qu'il est à son meilleur. Le constructeur Solness est un homme à qui tout semble réussir. Pourtant, comme Aline, sa femme qui, elle, ne masque pas sa dépression, il est manipulé par des ombres. Depuis l'incendie de  la maison où ils vivaient, et dans laquelle elle a grandi, chacun est persuadé que l'autre est fou.
L'arrivée de Hilde, une jeune fille exaltée que Solness a connu quand elle était une enfant va pousser le constructeur à évoquer des souvenirs qu'il gardait comprimés en lui. Il ne tarde pas à l'entraîner dans la sinuosité de sa pensée. S'il semble au départ tourmenté de remords il reconnaît vite qu'il n'en est peut être rien. La vision qu'a Hilde du grand homme s'altère quand elle découvre qu'il entretient une relation d'une foncière  perversité avec son dessinateur et qu'il est incapable de monter au somment d'une tour qu'il a fait bâtir. C'est un exploit semblable réalisé autrefois sous ses yeux qui l'avait rendu amoureuse de lui.
On retrouve des thèmes présents dans "Hedda Gabler "et "Le petit Eyolf",  les deux pièces d'Ibsen déjà montées par Françon. Le mal de vivre d'Aline est aussi ravageur que celui d'Hedda. Comédienne dont on admire souvent la virtuosité, Dominique Valladié n'en use pas mais  fait ressentir comme personne le tragique qui habite les deux femmes. La maison dont  Solness est le maître d'oeuvre possède trois chambres d'enfants alors qu'il n'est, apparemment père d'aucun Qui a vu le petit Eyolf se souvient que cette pièce tourne, elle également, autour d'un petit fantôme.
Comédien d'un talent bien trempé, Vladimir Yordanoff donne à cet homme las de lui même et qui croit avoir trouvé l'occasion de renaître qu'est Solness une densité prodigieuse. Face à lui Adeline Dhermy, qui démarre en trombe une carrière qu'on pressent  d'une forte singularité apparaît comme  une figure tout ensemble solaire et menaçante.
Si Ibsen et Françon font si bon ménage c'est vraisemblablement parce  qu'ils sont tous deux fascinés par le caractère abyssal de nos ténèbres.
Jusqu'au 25 avril La Colline - théâtre national tel 01 44 62 52 52

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