vendredi 28 décembre 2012

Blackbird de David Harrower

Une jeune femme fait irruption sur le lieu de travail jonché de canettes d'un travailleur qui pourrait être son père. Ses phrases se bousculent hachées, rageuses peut être incohérentes. Son interlocuteur, manifestement sur la défensive, tente de la faire quitter les lieux. En vain. Il apparaît bientôt à travers leurs échanges vindicatifs qu'ils ont été amants alors qu'elle avait 12 ans et lui plus du double. Il fut incarcéré, elle vécut emprisonnée par ses souvenirs. "Tu as fait de moi un fantôme" lui balance t'elle.
Le dramaturge écossais David Harrower cultive l'art de quitter les sentiers rebattus. D'où son succés. Il explore ici jusqu'au vertige la relation qu'ont entretenu l'enfant et l'adulte. Marquée par les paroles de sa mère et vraisemblablement des policiers et psychologues qui se sont penchés sur "son cas" elle tient le langage de l'institution. Mais des mots qu'il lui a autrefois dits survivent dans sa mémoire. Leurs corps, eux aussi, se souviennent.
Dirigés avec une remarquable sagacité par Régine Achille-Fould, Charlotte Blanchard (au départ raide comme la justice) et Yves Arnault (ne sachant quelle contenance prendre)  incarnent avec une telle conviction ces personnages traumatisés que le spectateur se découvre, au terme de la représentation, déstabilisé. Y a-t-il meilleur compliment?
Jusqu'au 19 janvier Lucernaire tel 01 45 44 57 34

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