"Je n'ai jamais pensé en termes de rôles mais d'équipe ou de metteur en scène. Il y a des rôles qui font plus rêver que d'autres mais je suis incapable de dissocier le personnage du projet théâtral auquel il va être associé. Je n'avais jamais vu de création de Gourmelon mais on se connaissait depuis longtemps. Il m'a dans un premier temps demandé si j'acceptais de faire partie du projet non de jouer Edouard II. Puis quand il a fini par me proposer le rôle j'avais appris à avoir confiance dans son regard. Au cours des discussions j'ai surtout apprécié qu'il ait une idée précise de ce qu'il ne voulait pas par exemple être plus malin que la pièce. Il avait le désir que l'histoire d'amour soit au centre du spectacle, ce qui est délicat car parfois ridicule. Le fait que je sente qu'il avait avec ce texte un vrai rapport d'intimité m'a rassuré car je préssentais qu'on serait en dialogue pour construire le personnage et la pièce. Si sa façon de travailler m'a conquis c'est qu'elle me faisait penser à celle d'autres metteurs en scène que j'apprécie mais qu'il ne connaissait pas comme Patte et Sastre. Ce qu'il demande aux acteurs c'est de raconter ce qu'est ton rapport comme personne à ce que tu es en train de dire. Ce qui te pousse à faire preuve d'une grande honnêteté. On est évidement un peu mis à nu ce qui à la fois fait peur et est très excitant. Cédric a la conviction que l'intérêt du spectacle est de voir vibrer les êtres humains derrière les mots de Marlowe.
Je retravaillerais avec lui sans hésiter mais nous n'avons pour l'instant aucun projet commun.Parmi les metteurs en scène avec lesquels j'ai eu l'occasion de travailler Jean-Marie Patte est l'un de ceux qui m'a le plus influencé même si je n'avais pas l'expérience pour accepter le dépouillement qu'il exigeait. Parmi ceux qui ont le plus compté pour moi il y a évidement Gabily avec qui j'ai débuté avant de rentrer au conservatoire. Mais j'ai poursuivi l'aventure avec lui alors que j'y étais et après en être sorti. Je me suis toujours demandé pourquoi Gabily n'était pas nommé au conservatoire. Il est vrai que dans cette maison on apprend avant tout à être employable, à savoir aussi bien jouer Koltès, Molière que Feydeau. Gabily portait sur nous un regard si intense, si amoureux et exigeant qu'on en était porté. Mêmes si on se trouvait pour répéter dans une cave de 15m carré rien n'était plus important au monde que le geste que tu allais y faire. Il nous demandait des choses si insensées que pour ne pas décevoir son attente on était poussé à se créer un imaginaire très riche. Je retrouve quelque chose de cet esprit chez Cédric dans la mesure où il tend à une grande singularité qu'on n'atteint pas par l'inventivité mais par l'approfondissement. J'aime aussi aimé bosser sous la houlette de Jean-Louis - Benoît qui d'une autre manière réclame à ses comédiens une authentique originalité. C'est avec Jean -,François Sivadier avec lequel j'ai joué joué dans Le roi Lear que j'ai également connu une expérience à coup sûr décisive. Il a, lui, l'art de prendre une pièce pour en faire un spectacle exemplaire contrairement à Cédric qui reste très proche du texte et ne craint pas d'en faire voir les tâtonnements.
Je m'aperçois que jouer de grands rôles est moins difficile que d'en tenir de petits car on a tout le temps de les développer et que même quand tu n'es pas sur scène on parle de toi. Ce qui ne peut que te faire progresser." Quand on demande à Vincent Dissez où il en est avec le cinéma ou la télévision il répond avec une belle ironie : "Les gens qui travaillent sur les castings ne vont pas voir les spectacles dont je suis. Quand ils me voient mon c.v. ils le jettent donc d'emblée à la poubelle" Ce qui ne semble pas l'affecter outre-mesure.
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