lundi 2 décembre 2019

Des Territoires (... et tout sera pardonné?)

Dans ce troisième volet de la trilogie écrite et mise en scène par Baptiste Amann, qui suit les  déboires d'une fratrie, une soeur et trois frères,  le climat est au départ tendu à l'extrême. Benjamin, comme son nom l'indique le plus jeune frère, a été, au cours d'une émeute si gravement blessé qu'il n'a aucune chance de s'en sortir. Après avoir annoncé aux membres de sa famille qu'il est en état de mort cérébrale, le médecin leur demande s'ils accepteraient que son coeur soit prélevé.  Dans une aile de l'hôpital se déroule un tournage qui évoque la guerre d'Algérie et en particulier le procès de Djamila Bouhired, figure emblématique en ces temps meurtriers du FLN. Dans ce spectacle, comme dans les précédents,  les événements de la grande Histoire se mêlent à ceux traversés par la fratrie. L'auteur a eu l'astucieuse idée de lier les deux pans de la pièce en provoquant la rencontre dans le couloir de l'hôpital de Hafiz, le frère adopté et de la comédienne qui interprète le rôle de la militante. Au cours de leurs  discussions au départ guère chaleureuse, le passé enfoui de Hafiz se rappelle à lui.  Et de se souvenir que les destins de ses  père et grand-père algériens ont été marqués au fer rouge par la guerre anti-coloniale. Colonisation, qu'au cours de sa défense de Djamila Bouhired (qui deviendra sa femme) Jacques Vergez s'emploie, avec brio et malgré l'hostilité de ses pairs, à dénoncer.  La France contemporaine, où les mots d'ordre de l'idéologie néo-libérale causent d'immenses dégâts, est, elle aussi, mise en accusation. Si le tournage d'un film se déroule dans un hôpital, où  par ailleurs le personnel est réduit et sur les rotules,  c'est qu'il faut en priorité que ces lieux soient rentables. Si malgré quelques réserves (notamment la trop longue énumération des jeunes originaires d'un pays du tiers monde tués par les forces de l'ordre) Des territoires  apparaît en si intelligente résonance avec le tumulte passé et présent du monde c'est que les comédiens (dont certains jouent plusieurs rôles), font si  incroyablement corps avec leur personnage qu'on a le sentiment certainement avéré qu'ils ont largement contribué à les façonner. Jusqu'au 7 décembre Théâtre de la Bastille tél 01 43 57 42 14

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