jeudi 17 janvier 2019

Retour à Reims de Didier Eribon

Metteur en scène d'envergure qu'aucun registre ne paraît effrayer, Thomas Ostermeyer s'est emparé du récit autobiographique de Didier Eribon où celui-ci décrit la société stratifiée qu'il connut enfant. Sa famille appartenait à ce qu'on appelait la classe laborieuse et vivait dans des quartiers qui furent ensuite habités par de nouveaux arrivants venus d'horizons souvent lointains. Ce qui apparaît d'emblée est le peu d'amour que l'auteur portait à son père, homophobe affirmé et client régulier des bars de soiffards. Avant d'octroyer leurs votes au parti d'extrême droite la société dont il était issu votait massivement communiste. Des vidéos font redécouvrir la foule des années d'après-guerre entonnant avec ferveur l'internationale. On repère aussi dans ces images combien les corps et les attitudes de ceux qui avaient peine à nouer les deux bouts étaient éloignés des ceux qui vivaient disons bourgeoisement. Si l'un de ses deux frères se trouva rapidement en décrochage scolaire et devint apprentis boucher alors qu'il avait lui l'ambition de poursuivre des études, les liens avec les siens se sont promptement effilochés. Cela d'autant qu'il trouva dans le milieu homosexuel un sas de liberté. Ce n'est qu'à la mort de son père qu'il reprit contact avec sa mère avec laquelle il établit une tardive mais affectueuse complicité. Dans la seconde partie du spectacle, le propos de Thomas Ostermeieyer devient plus général. Il est clair que la manière dont Bertold Brecht évoquait le contexte politico-social appartient à un âge défunt. L'imprévisible éruption sociale dont nous sommes les témoins ou les acteurs montre on ne peut mieux l'aspiration du plus grand nombre à davantage de justice sociale. Ce qui ne va, hélas, pas sans crispation nationaliste. Le spectacle d'Ostermeyer est on ne peut plus alarmiste. Il nous met en face d'une réalité que nous ne pouvons plus faire mine d'ignorer. Le spectacle est joué on ne peut mieux par Irène Jacob, Cédric Eeckhout et Blade MC Alimbaye. Jusqu'au 16 février Théâtre de la Ville actuellement à l'Espace Cardin, 1, Avenue Gabriel tél 01 42 74 22 77

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