jeudi 16 novembre 2017

Les trois soeurs d'après Tchekhov

On s'en doutait depuis la découverte de sa Médée et de quelques autres spectacles marquants : l'australien Simon Stone fait partie du minuscule contingent des surdoués de la scène. Il porte cette fois son choix sur l'une des pièces majeures de Tchekhov. Mais il n'en garde que la structure. Les dialogues sont, eux, réécrits en langage contemporain parfois d'une extrême crudité. Les relations qu'entretiennent les personnages se sont, elles aussi, transformées. Il ne s'agit plus pour Olga, Macha et Irina, les trois soeurs de rêver de Moscou où elles ont grandies. Comme tant de jeunes adultes pas trop fauchés d'aujourd'hui, elles ne savent pas trop où elles vont vivre leur vie. Pour l'heure elles se retrouvent avec leur frère André et quelques proches dans la maison de vacances familiales où, depuis la mort de leur père cinq ans plus tôt, elles ne s'étaient plus rendues. Si elles évoquent le bel autrefois c'est que les temps leur semblent être devenus rudes. Même si tous les espoirs ne leur apparaissent pas perdus. Ainsi Macha, la cadette mariée à un homme qui la vénère, s'est-elle éprise d'un voisin dont la femme semble atteinte de troubles psychiques. La passion qui les embrase leur fait envisager d'aller s'établir à Brooklyn. André, que guette la dépendance au jeu et aux drogues, s'est amouraché de Natacha, une jeune fille extravertie que ses soeurs ne peuvent souffrir. Ce personnage apparaît d'ordinaire, tout bonnement odieux. Alors que dans la pièce originale elle chasse une vieille servante devenue inutile, elle prend ici elle même les jambes à son cou quand, devenue mère de deux enfants, elle se rend compte que l'homme camé jusqu'aux yeux qu'elle a épousé ne pourra jamais lui assurer une existence confortable. Une des nombreuses qualités de Simon Stone est qu'il fait entendre ce qui agite en profondeur chacun des protagonistes. Victor, dont les provocations tous azimuts insupportent l'entourage, voue en fait à celui qui doit épouser Irina, une amitié éperdue. En guise de décor le metteur en scène et la scénographe Lizzie Clachan ont imaginé une maison tournante qui permet de voir chacun sous des angles différents et de saisir des conversations ou des confidences parfois amusantes d'autrefois déchirantes. Si le spectacle porte si haut l'exigence artistique c'est que les acteurs y sont, comme rarement, valorisés. Ils sont onze (Jean-Baptiste Anoumon, Assaad Bouab, Eric Caravaca, Amira Casar, Servane Ducorps, Eloïse Mignon, Laurent Papot, Frédéric Pierrot, Céline Sallette, Assane Timbo, Thibault Vinçon) dont la cohésion semble être celle d'une troupe alors que pour la plupart ils ne se connaissent que depuis peu. Jusqu'au 22 décembre Odéon 6e Tél 01 44 85 40 40

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