vendredi 12 février 2016

Des territoires (Nous sifflerons la marseillaise) de Baptiste Amann

Ils sont quatre, ont autour de 30 ans, vivent dans un pavillon de banlieue, viennent de perdre d'un coup leur deux parents.Il est quasi fatal que lorsqu'ils sont sous le choc les membres d'une famille se dressent, sous les prétextes les plus anodins, les uns contre les autres. Lorsque la pièce démarre la discussion entre deux des frères tourne autour du chemin le plus court pour aller chez le marchand de pizzas. Un affrontement plus rude aura pour prétexte la qualité du bois dans lequel seront fabriqués les cercueils. Chacun sera en proie à des débordements au cours desquels des épisodes d'un passé sombre ou déconcertant feront retour. Le troisième frère dont la personnalité a été abolie par un accident de voiture est, lui, l'objet de la tendresse de la soeur. Si les situations peuvent sembler trop fréquemment portées à ébullition c'est que les interprètes (Solal Bouloudnine, Samuel Réhault, Lynn Thibault, Olivier Veillon, tous quatre issus de l'ERAC, l'Ecole Régionnale d'Acteurs de Cannes) ont l'ardeur de leur jeunesse. Auteur et metteur en scène du spectacle, Baptiste Amann rappelle tout au long de la pièce les inquiétants brouillages de l'époque. Il est question de l'enrôlement islamiste d'un voisin que les membres de la fratrie connaissent depuis sa petite enfance, de la soumission de l'un des frères à son tout puissant patron, de l'attirance qu'éprouve la soeur pour un jeune commerçant qui a pour prénom Moussa. A la fin de la représentation les comédiens deviennent les protagonistes de l'ultime repas de Condorcet avant son arrestation suivie de son assassinat. On sait gré à Baptiste Ammann qui a choisi de rendre ainsi hommage à un penseur qui, à ses risques et périls, défendit la liberté de penser. Et voulut croire que le monde d'après serait de tolérance. Ce qui à notre époque qui met en rivalité les identités, les religions et les cultures semble particulièrement chimérique. "Nous sifflerons la Marseillaise" est le premier volet d'un triptyque. On attend la suite, jouée par les mêmes fervents acteurs, avec impatience. Jusqu'au 19 février Théâtre Ouvert tél 01 42 55 74 40

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