samedi 10 juillet 2010

15e festival de la correspondance de Grignan

Anne Rotenberg ne s'y est pas trompée en faisant donner le coup d'envoi de ce festival avec les lettres qu'adressa Madame de Sévigné à sa fille Madame de Grignan qui vivait au château qui domine le village. Le thème de la manifestation étant cette année le théâtre, elle a eu le bon goût de demander à Macha Meril , comédienne dont la prestance évoque Edwige Feuillère, de lire des extraits de ses observations sur les spécificités de son époque faite par cette mère, qui se sentait avec sa fille en résonance profonde.

La scène occupe dans ces missives toute en délicates coquetteries une place de choix. Elle parle abondamment de Corneille qu'elle vénérait et de Racine dont elle appréciait peu la mentalité courtisane mais admirait le talent en particulier dans Esther qu'elle découvrit en compagnie du Roi et de Madame de Maintenon. Macha Meril joue des scènes de quelques unes de ces oeuvres à la beauté toujours aussi prenante ce qui a pour effet de faire scintiller sa prestations d'instants magnifiques . Et Madame de Sévigné d'apparaître comme la créatrice de l'auto-fiction.

"Jean Vilar et ses compagnons "qu'a mis en espace Richard Brunel et où Myriam Boyer entourée de deux jeunes partenaires apporte le renfort de sa célébrité, raconte l'odyssée de quelques artistes qui après la seconde guerre mondiale s'échinèrent à sortir la province de son sous- développement culturel. Des hommes de la trempe de Jean Dasté, André Clavel et bien évidement Jean Vilar, épaulés par Jeanne Laurent alors en poste aux Affaires culturelles de l'Etat partent initier à la création artistique un public qui en ignorait tout. Plus tard Roger Planchon prendra leur relève. La virulence pamphlétaire des lettres qu'ils adressaient aux responsables du désastre spirituel dont ils étaient témoins attestent qu'ils n'ont pour le moins pas eu la tâche aisée. "La culture, dit de Gaulle lors de son retour au pouvoir, est la condition de la civilisation." Phrase que notre actuelle gouvernance s'obstine à jeter aux orties.


Autres évènements auxquels nous n'avons hélas pu assister : Claire Chazal loin de l'image figée qu'elle donne d'elle lors de ses apparitions au petit écran a lu "Spectre mes compagnons" de Charlotte Delbo qui après avoir été l'assistante de Louis Jouvet rejoignit la Résistance, fut arrêtée et expédiée à Auschwitz dont elle réchappa. On sent dans cet ouvrage essentiel son sens organique de la faiblesse mais aussi de la force humaine. Jérôme Kircher quant à lui, se basant sur le carnet de bord de Jean-Louis Barrault, raconte la création plus que mouvementée des Paravents de Jean Genêt, un des auteurs qui ont bouleversé le champs de l'art scénique, au Théâtre de l'Odéon. Ces pages on s'en doute ont fait vibrer la mémoire de ceux qui furent les contemporains de cette bateille qu'on ose dire plus importante que celle d'Hernani.


Invité d'honneur, Michel Bouquet, oeil bienveillant et sourire malicieux, a parlé devant un parterre de spectateurs de sa conception du théâtre. Pour lui seul compte l'auteur, ce diable d'homme dont il tente tout au long des représentations de percer les secrets sans jamais y parvenir. Je crois à l'intuition répéta t-il tout du long (mon art, dit-il, est de ne pas jouer mais celui de tout ressentir) avant de faire l'éloge de Molière car dit- il n'a cessé d'engager un combat avec lui-même sans jamais se donner raison de se voir aussi médiocre et effrayant. S'il nous est si proche c'est qu'il est le plus sincère de tous. On a compris que sa rencontre avec le public fut un moment miraculeux.

Réservation pour la saison prochaine : 04 75 46 55 83

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